Couper court aux coupures

Fermer les robinets pour les ménages en manque de liquidités ? C’est l’objectif d’un amendement déposé en catimini par un parlementaire UMP.

Plan sécheresse

C’est du Sénat que le coup est venu, quand le sénateur UMP Christian Cambon a déposé, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, un amendement visant à permettre de nouveau les coupures d’eau en cas de non-paiement de factures. Des coupures d’eau illégales en France depuis l’adoption de la loi Brottes en 2013, au grand dam de sociétés comme Veolia qui a été depuis condamnée à plusieurs reprises par les tribunaux pour avoir refusé d’en tenir compte.

L’argumentaire du sénateur est clair comme de l’eau de roche : il estime que cette loi va « encourager des comportements non-citoyens » en entraînant une hausse des impayés, sans permettre « d’établir une différence de traitement entre les mauvais payeurs et ceux qui ne payent pas parce qu’ils n’en ont pas les moyens. » Une différence de traitement que les sociétés privées de fourniture d’eau ne demandent naturellement qu’à mettre en application. Ça coule de source.

Face à cette sombre vision de l’humanité que nous livre Christian Cambon, le directeur de la fondation France Libertés – créée par Danielle Mitterrand – ne décolère pas. Dans un billet au vitriol publié sur le site du Huffington Post, Emmanuel Poilane tacle le sénateur : « sur quelle base peuvent-ils soutenir cette position, alors que la loi est en vigueur depuis avril 2013 et que les impayés n’ont pas explosé et pour cause ? »

Que d’eau, que d’eau

Quant à l’argument voulant qu’une loi similaire, adoptée en Grande-Bretagne, a effectivement entraîné une hausse des impayés, il est vigoureusement contesté : « en Angleterre, (…) les impayés sont de l’ordre de 3 %, ce qui est un niveau tout à fait normal. Il doit être mis en rapport avec la précarité des populations démunies anglaises beaucoup plus nombreuses qu’en France », écrit encore Emmanuel Poilane. Qui affirme au passage que Ségolène Royal, contre l’avis des parlementaires de son propre parti, soutient l’amendement du sénateur UMP.

Difficile de savoir si les coupures d’eau peuvent redevenir légales en France, même si l’on imagine mal une majorité de gauche laisser passer en l’état un amendement allant tellement à l’encontre de ses propres valeurs. Mais la situation politique actuelle a été l’objet de tant de revirements et de passages en force qu’il serait aventureux de préjuger de quoi que ce soit.

Le vote de la loi est prévu pour le 3 mars, et l’on ne peut qu’espérer en attendant, pour le bien des ménages les plus modestes, que cette tentative d’amendement n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau.