Des jours sans histoire ?

Traditionnellement, les mois de mai et de juin sont traversés par de longs ponts ensoleillés, aussi longs que les clichés qu’ils véhiculent, en raison de la présence nombreuse de jours fériés. Mais, au-delà du confort qu’ils nous procurent, quelle est la réelle signification de ces petits bonheurs du calendrier ?

Cette année, et pour la première fois depuis 1870, le mois de mai ne sera entrecoupé d’aucun jour chômé : le 1er et le 8 Mai tomberont en effet un dimanche, tandis que le jeudi de l’Ascension aura lieu en juin. Une chance pour l’activité économique du pays diront certains spécialistes ronchons et rabat-joie. La France se trouve pourtant dans la moyenne des pays industrialisés en terme de jours fériés, au nombre total de onze.

Son voisin allemand (si jalousement envié) en compte de neuf à douze selon les Länder tandis que les Japonais ont droit à quinze jours fériés par an. Il n’y a donc pas d’exception française en la matière et il est bon de rappeler de temps à autre ces vérités, quand on connaît le don qu’ont certains dirigeants politiques de mettre en exergue la prétendue fainéantise des travailleurs français.

L’étude de ces jours fériés permet par ailleurs de se pencher sur l’histoire d’un pays et leur signification nous renseigne sur les traditions culturelles de tel ou tel peuple. « Championne de la laïcité après avoir été fille aînée de l’Eglise, républicaine jusqu’au bout des ongles et toujours prête à se donner un monarque, nous avons là le portrait d’une nation parfaitement contradictoire » souligne Robert Solé dans un article du Monde des Livres de septembre 2010, justement consacré à l’ouvrage de Jacqueline Lalouette sur la question. La France compte ainsi cinq jours fériés dits civils : le 1er Janvier, le 1er Mai, le 8 Mai, le 14 Juillet et le 11 Novembre contre six jours dits religieux : le lundi de Pâques, le jeudi de l’Ascension, le lundi de Pentecôte, le 15 Août avec l’Assomption, la Toussaint, le 1er Novembre et bien évidemment Noël le 25 Décembre. Chose étonnante, quand on a en tête l’attachement profond de la population à la fameuse séparation de l’Église et de l’État. Il est tout de même assez fabuleux de constater qu’au XXIe siècle, on continue officiellement de célébrer l’Assomption, c’est-àdire la montée au ciel de la Vierge Marie… La France est ainsi l’un des rares pays où les jours fériés sont à la fois d’origine politique et religieuse. En Allemagne, la plupart sont fortement marqués par la tradition protestante alors qu’à l’inverse, cette tendance n’est paradoxalement guère présente aux Etats-Unis : on préfère ainsi fêter la naissance de Martin Luther King chaque troisième lundi de janvier plutôt que la résurrection de Jésus-Christ.

Ces onze jours fériés qui parcourent le calendrier français constituent en définitive un témoignage culturel de ce qu’a pu connaître le pays par le passé. Repères temporels, ils rythment la vie de millions d’habitants, qui se révèlent finalement plutôt conservateurs quand il s’agit d’en modifier la cadence.

Pour en savoir plus

Jacqueline Lalouette, « Jours de fête : jours fériés et fêtes légales dans la France contemporaine », Tallandier, 2010, 386 pp.


Nombre de jours fériés dans différents pays

Allemagne : 9-12 jours

Angleterre : 8 jours

Brésil : 11 jours

Chine : 7 jours

Espagne : 12 jours

Etats-Unis : 10 jours

France : 11 jours

Japon : 15 jours

Russie : 8 jours