Le mal-logement en Isère

Le 3 avril avait lieu à Eybens la présentation du rapport sur l’état du mal-logement en Isère . Focus sur une matinée marquée par la nomination de la Métropole comme territoire de mise en œuvre accélérée du plan quinquennal « Le logement d’abord ».

Comme chaque année, l’association iséroise Un toit pour tous et la Fondation Abbé Pierre ont présenté l’état du mal-logement en France et en Isère. Une journée de colloque à l’Odyssée d’Eybens où se sont succédés les témoignages des acteurs du territoire.


L’enracinement du mal-logement

En 2017, 3 500 personnes étaient sans solution d’hébergement en Isère (chiffres du collectif isérois AUI-Alerte) et 6500 personnes différentes ont appelé le 115 durant la même période. Si la grande précarité touche en partie des personnes aux situations administratives complexes (demandeurs et déboutés du droit d’asile), elle concerne pour un tiers des personnes aux droits complets. Ce qui traduit la nécessité d’une approche décloisonnée et d’un accompagnement flexible.

Concernant les demandeurs d’asile, l’ADA déplore la création de nouveaux dispositifs d’urgence : « On met à l’abri des personnes avec un accompagnement social minimum sans accompagnement juridique dans un délai restreint, la logique d ‘ urgence supplante celle de protection. » précise fanny Braud.

Pour Richard Diot de Point d’Eau, 2017 est « l’année de tous les records et de tous les reculs : les accueils de jours sursaturés (34 % d’augmentation de fréquentation de point d’Eau), une population grandissante de jeunes 18-25 et de mineurs non accompagnés à la rue, la fermeture des services du SATI ( Service d’Accompagnement Temporaire vers l’insertion sociale), celle de Roms Action. » Parallèlement, Richard Diot note l’engagement des personnes à la rue qui s’organisent à travers « la revitalisation du parlons-en, le Lîeu lauréat du budget participatif de la Ville de Grenoble ».


Les mauvaises conditions d’habitat

Si la situation des personnes à la rue s’aggrave, il existe aussi d’autres formes de mal-logement invisibles. Cette année, La Fondation Abbé Pierre met en évidence le phénomène de surpeuplement d’un logement ayant des conséquences délétères sur la santé des habitants. Un phénomène, en lien avec des tendances structurelles lourdes (décomposition des familles, familles migratoires, crise économique et sociale depuis 2008), pour lequel Manuel Dommergue invite à « agir et sortir du déni face au mal-logement banalisé. »

Les mauvaises conditions d’habitat sont aussi dues à la précarité énergétique qui ne concerne pas nécessairement la qualité du bâti, mais aussi la précarité économique des ménages qui ne se chauffent pas faute de moyens financiers. Une réalité encore difficile à quantifier.


Les difficultés d’accès au logement

Les ménages isérois les plus modestes (relevant des plafonds PLAI avec environ 930 euros par mois) représentent 28 % des ménages, soit 118 000 ménages. En 2015 seuls 71 105 logements sociaux (à 7 euros le m2) correspondent à cette tranche de la population, et ce chiffre se réduit à 28 960 logements si l’on considère les ménages les plus précaires. Le parc social, représentant le principal gisement de l’offre accessible, reste donc largement insuffisant.

Pour palier à ces difficultés, « Un toit pour tous » insiste sur la nécessité de mobiliser le parc privé en renforçant des outils tels que la mobilisation des logements vacants, le conventionnement des loyers ainsi que l’intermédiation locative.


Le logement d’abord : une perspective pour lutter contre le mal-logement ?

Grenoble-Alpes Métropole vient d’être désignée pour expérimenter le plan « Le logement d’abord » du gouvernement. Pour Christine Garnier, vice-présidente à l’Habitat, au Logement et à la Politique foncière, il s’agit de « développer et mutualiser les dispositifs déjà en place sur la Métropole comme le dispositif d’insertion MOUS proposé aux personnes vivant dans des squats ou campements, le dispositif Logement toujours dédié au maintien dans l’habitation, ou encore le récent dispositif « Louer facile » qui a pour objectif de récupérer des logements privés vacants en proposant au propriétaire une garantie de paiement de loyer, une garantie de remise en état du logement et la possibilité de bénéficier d’un dégrèvement fiscal de 85 % quand le loyer correspond à un loyer social.»

L’objectif de la Métropole est de mettre à disposition du dispositif « 1600 logements sur cinq ans, dont 250 en 2018, en mobilisant aux 2/3 des logements sociaux et le tiers restant dans le privé. » Les bailleurs sociaux seront donc fortement mobilisés sur le dispositif, alors qu’ils sont par ailleurs mis en difficulté par la loi Finance (la baisse des APL entraîne en Isère une perte de 30 millions d’euros pour l’ensemble des bailleurs sociaux et la hausse de la TVA, 6000 euros par logement, risque d’impacter l’entretien, l’accompagnement social , la construction et la rénovation du parc social.).

Si l’annonce du plan quinquennal pour « le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme » est saluée par l’ensemble des acteurs du territoire, la question de la cohérence se pose fortement à l’heure où le gouvernement opère des coupes budgétaires massives au budget alloué au logement.