Ce que dit le rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre

Le 23ème rapport sur le mal-logement en France publié par la Fondation Abbé Pierre a été rendu public mardi 30 janvier à Paris. Celui-ci ainsi que sa synthèse sont depuis mis en ligne.

Les grandes lignes : une alerte est donnée sur les phénomènes de surpeuplement et un rappel fait sur la façon dont les politiques du logement sont malmenées présentant un focus sur le plan quinquennal du « logement d’abord ».

Le surpeuplement : aggravation d’un phénomène sous-estimé et minoré

Le phénomène du surpeuplement alarme du fait de son retour mais aussi de son aggravation. 8,6 millions de personnes sont touchées et 900 000 sont en surpeuplement « accentué ». En effet, s’il constitue une dimension ancienne du mal logement, au 19ème siècle les premières mesures d’État sont appliquées massivement pour répondre aux problèmes d’hygiène et résorber les taudis.  Aujourd’hui, ce phénomène, de retour, est particulièrement mal vécu par les ménages concernés. La fondation note une hausse de demande de changement de logement les concernant. Ce sont les ménages les plus modestes qui sont les plus touchés alors qu’une stagnation est notée pour les ménages modestes et même une diminution pour les plus aisés. La fondation rapporte que ce phénomène est sous-estimé et minoré et rappelle les risques sanitaires encourus : pathologies respiratoires et affections dermatologiques du fait de l’humidité, accidents domestiques accrus et mise en péril du développement psychomoteur et affectif des enfants ainsi que de leur scolarité et de la poursuite dans leurs études. Des conditions qui représentent des « cicatrices à vie » pour les plus de 3,2 millions d’enfants mineurs touchés. C’est  « une problématique trop souvent associée à des pratiques « ethnoculturelles » résume la Fondation et en ce sens elle exhorte à « sortir du déni ».  

Les politiques du logement malmenées

Bien que le gouvernement ait annoncé un « choc de l’offre » du logement, les derniers actes en la matière semblent ne pas soutenir cette volonté. Cela concerne aussi bien les coupes dans les APL, la ponction effectuée sur les organismes HLM, la mise à mal de la protection du statut de locataire et les attaques contre les personnes migrantes en situation irrégulière.
La baisse des APL a frappé certains allocataires bien que l’impact de cette mesure ait été reporté pour être pris en charge par les organismes HLM du parc social. Ces derniers précisent que des répercussions auront lieu sur la construction, la réhabilitation et la qualité de l’entretien des bâtiments et des services rendus aux locataires. Le « bail mobilité » prévu par l’avant-projet de loi sur le logement fragilise également le statut du locataire en donnant plus de droits au bailleur. Ainsi, initialement présenté comme un bail réservé aux personnes en formation, il doit finalement être étendu à tous.

Un détricotage de l’encadrement des loyers est également noté. Le critère sur lequel se base le gouvernement pour arrêter cette mesure est jugé « timoré » : elle sera rendue effective en fonction de l’évaluation de son application à Paris et Lille, sans l’étendre à d’autres zones tendues comme prévu au départ par la loi Alur.

Focus sur le « logement d’abord »

Le nombre de personnes sans domicile ayant augmenté de 50 % entre 2001 et 2012, le nouveau ministère de la Cohésion des territoires a présenté un projet de plan quinquennal se basant sur un «appel à manifestation d’intérêt » auprès des collectivités intéressées par une « mise en œuvre
accélérée » sur leur territoire.

Relevant cette actualité, la Fondation rappelle les fondamentaux de la politique du logement d’abord qui s’oppose au modèle, dit « en escalier » dont le peu d’impact est prouvé. Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation l’illustre bien : « On ne peut pas présumer la « capacité à habiter » des gens. L’accès au logement est un vrai outil d’insertion plutôt que le résultat d’un long processus d’insertion. »

Et la Fondation de conclure que pour enrayer le sans-abrisme, il faut avant tout prévenir les expulsions locatives et investir dans une politique globale du logement abordable. Ce qui vaut d’ailleurs pour tous les publics. Une présentation locale menée par l’association grenobloise « Un toit pour tous » sera rendue public le 03 avril à l’espace culturel l’Odyssée d’Eybens.