Le congé menstruel pour avancer vers l’égalité des sexes

Comme le spécifie l’étude de l’Ifop de 2021, près d’une personne menstruée sur deux, souffre de dysménorrhée (douleurs menstruelles qui précèdent ou accompagnent les règles) et une personne menstruée sur dix d’endométriose (voir encadré). L’absence de prise en compte de cette réalité dans le monde du travail pèse sur l’égalité des sexes. Le congé menstruel fait son apparition dans le débat public, mais reste encore un droit à conquérir.

Les menstruations sont liées à la biologie et peuvent affecter toute personne ayant un utérus, quelle que soit leur identité de genre. Ces douleurs ont un impact sur la vie quotidienne et professionnelle des personnes menstruées, réalité aujourd’hui invisibilisée notamment dans le monde du travail. En effet, selon un sondage IFOP publié fin 2022, “35 % des personnes menstruées confirment que leurs douleurs menstruelles ont un impact négatif sur leur travail, et 44 % ont déjà manqué le travail en raison des menstruations”. La reconnaissance de douleurs menstruelles, et notamment par l’instauration d’un congé menstruel, est donc crucial pour promouvoir des politiques inclusives qui prennent en compte les besoins de toute personne concernée.

L’endométriose

Dans la société française, l’endométriose est une maladie qui touche environ une personne menstrues sur dix. Ces dernières souffrent de symptômes invalidants tels que des douleurs abdominales sévères, des saignements abondants et des troubles digestifs. Par ailleurs, les changements hormonaux qui accompagnent les cycles menstruels peuvent entraîner une gamme d’effets secondaires non désirés y compris des changements d’humeurs, de l’anxiété, et des états dépressifs impactant significativement leur qualité de vie autant mentale que physique. Pourtant, cette maladie reste trop méconnue, tant par les personnes menstrues elles-mêmes que par le corps médical. Jusqu’en 2020, l’endométriose n’avait même pas de chapitre dédié dans le cursus obligatoire des études de médecine, ce qui témoigne de son manque de reconnaissance et de prise en charge.Le diagnostic de l’endométriose est également un défi majeur, avec une moyenne de sept ans avant d’être confirmé. De plus, l’accès aux tests diagnostiques reste limité, en particulier pour le test salivaire, qui pourrait offrir une alternative plus rapide. Malheureusement, son remboursement par la Sécurité sociale est encore en attente, et le prix s’élève de 500 à 1000 euros, ce qui pose des obstacles supplémentaires au diagnostic.
Plus globalement, le congé menstruel est une question de société, car il touche à la fois les domaines de la santé, du bien-être au travail mais également de l’égalité des sexes. Les douleurs menstruelles peuvent conduire à des arrêts de travail, qui du fait des délais de carence engendrent des pertes de revenus pour les personnes menstruées. En permettant aux personnes menstrues de prendre des congés, sans délai de carence quand leur état n’est pas propice au travail, c’est reconnaître les défis auxquels elles sont confrontées, tout en favorisant une culture de travail plus inclusive et en encourageant l’égalité des chances sur le lieu de travail. Par ailleurs, cela contribue à favoriser les conversations ouvertes sur les menstruations ce qui peut aider à réduire la stigmatisation sur le sujet.

Les propositions de loi pour un congé menstruel rejetées au Sénat et à l’Assemblée Nationale 
Cette dernière année, trois propositions de loi en faveur d’un congé menstruel ont été déposées, une au Sénat et deux à l’Assemblée Nationale par des élus socialistes et écologistes. La première proposition de loi a été rejetée par le Sénat le 15 février 2024, la deuxième proposition de loi le 27 mars en commission des Affaires sociales à l’Assemblée Nationale. Cette dernière, dans le même esprit que la première, proposait jusqu’à treize jours d’arrêt maladie par an, sans jour de carence et sous réserve d’un certificat médical, en cas de règles incapacitantes . Par ailleurs, des dispositions sont prises pour organiser du télétravail. Les détracteurs de ces propositions de loi mettent en avant le fait que cela créerait de la discrimination à l’embauche, un trop lourd impact financier sur la sécurité sociale ou encore une remise en cause du secret médical, comme le souligne le ministre de la Santé Frédéric Valletoux.
En effet, pour celui-ci, le secret médical risquerait d’être rompu puisque le ou la salarié(e) serait obligé(e) de communiquer la cause de son arrêt à son employeur pour bénéficier de ce congé. 

Des initiatives pour le congé menstruel à Grenoble
Sur Grenoble, certaines entreprises et collectivités françaises font part de leur intérêt pour la mise en place d’un congé menstruel en prenant l’initiative de l’instaurer par eux-même. La mairie de Grenoble a mis en place ce congé le 19 septembre 2023, avec en supplément jusqu’à 15 jours de congés, en présentant un certificat médical valable pour un an. Ce congé a une couverture totale de la Sécurité sociale, donc sans perte de salaire. Le Pain des Caim, ainsi que La Bobine ont également depuis 2022 approuvé l’introduction du congé menstruel pour les employées souffrant de douleurs menstruelles . Ces dernières peuvent se faire remplacer un jour dans le mois par un membre de l’équipe volontaire, nous précise le site du Dauphiné.
Outre les congés menstruels, la précarité menstruelle (la difficulté d’accès à des protections hygiéniques) est également un enjeu pour les personnes menstruées. Pour y faire face, le planning familial de Grenoble a mis en place une campagne de sensibilisation en 2022, pour sensibiliser et aider les personnes dans le besoin. Certains lieux ont justement mis à disposition des protections menstruelles comme le kfée des jeux, la Belle Électrique, la Mission locale Grenoble, plusieurs Maisons des Habitants, ou encore la maison des associations.

Comment aller plus loin ? 
Pour aller plus loin dans la mise en place du congé menstruel, il est essentiel d’adopter des politiques flexibles et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des pouvoirs publics et en attente d’une loi, des employeurs. Ces mesures peuvent contribuer à surmonter les obstacles existants, ce qui favoriserait la santé et le bien-être des travailleurs et travailleuses. 
Les entreprises pourraient organiser des ateliers en entreprise pour informer sur la santé menstruelle ou lancer des campagnes via des affiches. Il est également envisageable de former les managers sur le soutien aux employées demandant des congés menstruels, en mettant l’accent sur l’empathie, la création de groupes de soutien en milieu de travail ou la collaboration avec des organisations pour promouvoir la sensibilisation et fournir gratuitement des protections menstruelles. Mettre à disposition des ressources en ligne pour sensibiliser au sujet, c’est la proposition du Premier Ministre. En effet, malgré son opposition à la proposition de loi, ce dernier a annoncé la fourniture de « kits de sensibilisation “ aux entreprises à partir du mois de mars. 
A l’étranger, certains pays sont en avance et ont légiféré autour de ces questions : l’Écosse ne fait plus payer les protections hygiéniques depuis 2020, et en Nouvelle-Zélande, des protections gratuites sont à disposition dans les écoles. Concernant le congé menstruel, le Japon a inscrit ce droit dans sa loi dès 1947, l’Indonésie un an plus tard, tout comme la Corée du Sud en 2001, Taïwan en 2013 et la Zambie en 2015. En Espagne, le congé menstruel a été établi au niveau national en février 2023, une première en Europe, et les retours sont positifs. En agissant ainsi, les pouvoirs publics s’engagent pour une culture de travail inclusive, l’égalité et soutiennent la santé des personnes concernées par les menstruations, tout en contribuant à briser le tabou qui persiste autour de ce sujet, malgré son impact sur des millions de personnes.