L’évaluation du RSA par la Cour des comptes

La cour des comptes a rendue publique, ce 13 janvier 2022, son évaluation du Revenu de Solidarité Active (RSA). Celle-ci s’appuie sur des investigations nationales et des enquêtes menées dans 9 départements. 

Elle a également proposé à ATD Quart Monde de prendre part au comité d’évaluation. Cette participation s’est traduite par un rapport qui fait état d’expériences de vie d’allocataires du RSA. Il détaille les freins repérés dans leurs parcours pour décliner ensuite un ensemble de préconisations visant à permettre une vie digne de ces personnes en situation de pauvreté.    

Le retour d’ATD Quart Monde sur l’évaluation du RSA

ATD Quart monde rappelle en préambule dans quelle logique juridique s’inscrit le RSA, c’est à dire comme « le droit pour toute personne d’avoir un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être » (article 25-1 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948), ou que « tout être humain qui en raison de son âge son état physique ou mental , de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » (préambule de la Constitution du 27 octobre 1946)

Le compte n’y est pas. Pensé comme le dernier rempart contre la misère, le RSA ne semble pas la résoudre. En effet, trop de personnes en France se retrouvent malgré tout presque sans ressources. C’est notamment le cas pour beaucoup de jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont pas soutenus par leurs familles, ou encore pour une trop grande partie d’étrangers en situation régulière mais présents depuis moins de 5 ans sur le territoire français. ATD Quart Monde souligne également la problématique du non-recours, qui concerne environ 35 % des ayant droit. En effet, l’allocation différentielle rend le système illisible pour bon nombre de personnes. De plus, la réévaluation trimestrielle du RSA laisse des personnes sans ressources pendant plusieurs mois et sans préavis.

Sur le plan de l’accompagnement social et de l’accompagnement professionnel, ATD Quart Monde pointe également des défaillances. Les dispositifs sont parfois en inadéquation avec la réalité des personnes à accompagner. Cet accompagnement, au lieu d’être centré sur les aspirations des personnes en situation de pauvreté, est centré sur les dispositifs mis en place, avec charge aux travailleurs sociaux de faire rentrer tous les types de publics dans des cases.

Dans un second temps, ATD Quart Monde fait des préconisations. L’association parle de la nécessité d’établir le droit à un niveau de vie suffisant pour une vie digne (estimé à 850 euros avec réévaluation annuelle). Et d’élargir le RSA aux 18-25 ans en situation de précarité, de mettre fin au caractère différentiel du RSA, d’individualiser ce droit au RSA et ne plus le conditionner. D’autres mesures d’ordre pratique sont préconisées, telles que la préservation des lieux d’accueil physique et des lieux pour faire ses démarches administratives, la garantie d’un droit à la connexion (internet) pour tous ou encore les numéros d’appel gratuits pour l’accès aux services. 

Concernant l’accompagnement professionnel, ATD Quart Monde préconise entre autres la formule du référent unique, choisi par le bénéficiaire du RSA, ainsi que la mise en place de réunions de travail collectives entre allocataires du RSA afin de créer une solidarité entre bénéficiaires.  

Le rapport final de la Cour des comptes de janvier 2022

Pour structurer cette évaluation, la Cour des Comptes s’est posé les questions suivantes :

– Le RSA bénéficie-t-il effectivement aux personnes auxquelles il est destiné ?

– Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir de la pauvreté ?

– Dans quelle mesure le RSA facilite-t-il l’accès à l’emploi ?

– L’accompagnement est-il réel et efficace ?

– Le RSA bénéficie-t-il effectivement aux personnes auxquelles il est destiné ?

L’atteinte semble partielle puisque le non recours est estimé à 30 %. L’évaluation montre également que seulement quatre personnes visées sur dix bénéficient d’un accompagnement contractualisé. Cette contractualisation n’est d’ailleurs pas un repère efficace puisque des travailleurs sociaux peuvent réaliser des actions d’accompagnement en dehors d’une contractualisation formalisée. A l’inverse, un accompagnement formalisé peut être vide de substance selon le retour d’analyse d’échantillons aléatoire des contrats d’engagement réciproque (CER). 

– Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir de la pauvreté ?

Le RSA ne permet pas à lui seul de sortir de la pauvreté. Il n’a d’ailleurs pas été pensé pour cela. Le montant du RSA ne permet pas à ses bénéficiaires de franchir le seuil de pauvreté monétaire. En revanche, le RSA semble protéger contre la « grande pauvreté », aidé en cela par des droits connexes nationaux ou locaux (prime de Noël, exonération de redevance télévision, réduction sociale du téléphone, chèque énergie ou dégrèvement de la taxe d’habitation). Pour sortir de la pauvreté, la Cour des comptes constate que la reprise d’activité reste le moyen le plus efficace.   

– Dans quelle mesure le RSA facilite-t-il l’accès à l’emploi ?

L’accès à l’emploi reste difficile pour les bénéficiaires du RSA. Ils accèdent à des emplois de plus en plus courts et précaires. L’incitation monétaire et son caractère non différentiel (on peut cumuler le RSA et une activité, ce qui n’était pas le cas avec l’ancien RMI) montre tout de même une incitation à la reprise d’activité. Pour autant, l’accès à l’emploi reste difficile pour un bénéficiaire du RSA. Lors d’une première année de RSA, ils sont 81 % à percevoir le RSA comme seule ressource. L’étude montre également que quatre allocataires sur dix demeurent durablement au RSA s’ils ne sont pas sortis du dispositif lors des deux premières années. 

– L’accompagnement est-il réel et efficace ?

La Cour des comptes pointe de nombreuses lacunes. L’accompagnement dispensé est globalement faible. Le CER est trop souvent absent ; Pôle emploi arbore une meilleure structuration mais laisse trop de personnes sans solutions. 

Un accompagnement spécialisé devrait permettre d’améliorer la qualité de la prise en charge dont la finalité reste le retour à l’emploi. 

En conclusion, la Cour des comptes fait un bilan très contrasté des résultats des politiques publiques. Trois grosses lacunes sont à évoquer : une atteinte insuffisante du public cible, qui laisse subsister des situations de grande précarité et d’exclusion ; une faiblesse de l’accompagnement et de la contractualisation, qui affaiblit les incitations à l’insertion, et un difficile accès à l’emploi, qui compromet la promesse du dispositif des revenus du travail comme principal rempart contre la pauvreté.

La réaction d’ATD Quart Monde au rapport de la Cour des comptes sur l’évaluation du RSA

Dans un communiqué du 14 janvier 2022, ATD Quart Monde partage en grande partie les constats dressés par la Cour des comptes, mais regrette que certains de ces constats et de ces préconisations n’aient pas été  retenus. Elle a omis deux mentions, la première concerne  l’évaluation de la Cour des comptes. Rien n’est mentionné sur la maltraitance sociale et institutionnelle que représente la situation de pauvreté subie par les allocataires. Elle regrette également qu’aucune mention sur l’ouverture de l’accès au RSA aux jeunes à partir de 18 ans ne soit faite dans ce rapport.  

Sources :

-évaluation participative d’ATD Quart Monde de janvier 2021 : 2021 Rapport RSA Cour-des-comptes BD.pdf (atd-quartmonde.fr) 

– rapport public thématique de l’évaluation de la politique publique du RSA par la Cour des comptes de janvier 2022 : Rapport thématique Le revenu de solidarité active (RSA) (ccomptes.fr)