En Isère et partout en France, des enfants autistes sont placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Une situation déplorée par plusieurs associations qui dénoncent ces placements abusifs. Les services de l’ASE et le département se justifient.
Dans l’Isère, rien ne va plus entre les autorités départementales et les associations et parents d’enfants autistes. A l’origine, une procédure de l’ASE et une décision de justice placent des enfants autistes en foyer et famille d’accueil.
Placement abusif ?
Début août, à l’initiative d’Autisme France, 127 associations nationales et régionales ont dénoncé des placements abusifs des enfants autistes. Même si légalement décidés par un juge, dans leur communiqué, l’ensemble de ces structures accuse le département de l’Isère, coupable à ses yeux, des placements d’une fratrie de trois enfants, dont l’un est diagnostiqué autiste. Les deux garçons, dont le petit frère diagnostiqué Trouble Envahissant du Développement (TED) autisme, sont à La Pouponnière de La Tronche, et l’aînée, après avoir été témoin d’une grande violence en foyer est placée quelques jours après en famille d’accueil grâce à l’intervention de sa mère, Envol Isère Autisme et Autisme France. D’où un communiqué à charge qui attaque les méthodes de l’ASE de l’Isère et qui la qualifie de « machine à broyer ». Selon ce même communiqué, la collectivité territoriale aurait accusé la mère de provoquer elle-même les TED pour « toucher les allocations handicap » et « attirer l’attention sur elle ». Une accusation que réfute Ghislaine Lubart, présidente d’Envol Isère Autisme : « On est autiste ou on ne l’est pas. Et la maman n’est absolument pas responsable. Ce sont de vieilles thèses qui n’ont plu lieu d’être actuellement dans le monde sauf en France ».
D’ailleurs, certains spécialistes trouvent ces placements dévastateurs. C’est le cas du docteur Sandrine Sonié, médecin coordonnateur du Centre Ressources Autisme Rhône-Alpes citée dans le communiqué, qui met en garde contre le « risque de traumatisme psychique et d’une aggravation des troubles du développement dans une structure collective et non spécialisée ». La famille a proposé une solution : un placement chez les grands-parents de ces enfants. Mais le conseil départemental n’a pas donné suite à cette proposition.
Application de la loi ?
Étonné, le département de l’Isère a aussitôt réagi suite à ces accusations. Il voit dans cette mobilisation un « scandaleux coup médiatique ». Dans un communiqué publié le 10 août, il est rappelé que le département ne fait que « respecter la décision du juge en opérant le placement ». Pour le département, cette médiatisation est vécue comme une trahison, car ses services sont « en lien permanent avec les associations, les établissements accueillant des enfants autistes et les familles afin de les accompagner ». Un débat qui n’a pas lieu d’être puisque très sensible d’autant que les formes d’autisme des trois enfants ne semblent pas être le motif des placements. Selon Frédérique Puissat, vice-présidente du conseil départemental de l’Isère, le placement des enfants est le résultat de plusieurs facteurs. « Nous n’allons pas placer des enfants parce qu’ils sont autistes. Ce n’est certainement pas la façon d’agir du personnel du conseil départemental au niveau de l’aide sociale à l’enfance, et certainement pas la réaction que peuvent avoir les juges », insiste-t-elle.
Ce dossier est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit. Il touche tous les niveaux sociaux : de la famille aux plus hautes sphères de l’État, en passant par les départements et les associations. Dans ce cas précis et à dans plusieurs cas, semblent s’opposer humanisme et respect des lois. Difficile d’accuser le conseil départemental qui ne fait que respecter la loi. Ces placements sont décidés par un juge des enfants au titre de l’article 375 du code civil. Ce qui fait que cette décision s’impose aux service de l’ASE.
Mais aussi, le cri d’alarme lancé par les familles et les associations n’est pas à négliger. Dans des communiqués et rapports, elles évoquent plusieurs points injustes : dénonciation permanente, violation des familles, interdiction d’accès aux rapports établis, judiciarisation abusive des informations, incompétence judiciaire, méconnaissance du handicap… L’enjeu dépasse largement le cadre régional. La France doit revoir sa politique en matière d’autisme pour combler le retard qu’elle a accumulé par rapport aux autres pays européens. Il est temps que les parties concernées dans ces situations se réunissent pour clarifier les choses pour le bien de l’enfant, de la famille et de tous.