Action Tank Entreprise et Pauvreté ou le développement du « social business »

On ne peut plus ignorer aujourd’hui, dans les domaines économiques, sociaux, voire politiques, le « social business ». Le « social business » a été défini par le Prix Nobel de la Paix 2006, Muhammad Yunus (pionnier également du « micro-crédit »), et se veut une alternative au capitalisme pur et dur : l’idée n’est plus de faire du profit, mais de répondre à une demande sociétale en s’organisant de manière autonome, et en reliant différents partenaires.

 

Optique Solidaire, par exemple, incarne le « social business » : des acteurs représentant toutes les étapes de la fourniture de lunettes (ophtalmologues, lunettiers, verriers, opticiens) acceptent de collaborer pour proposer, sans faire de profit, un service optique abordable à un public qui autrement renoncerait aux soins d’optique. Après s’être intéressé à Optique Solidaire, Le Bon Plan a voulu en savoir plus sur l’Action Tank Entreprise et Pauvreté, qui accompagne Optique Solidaire, ainsi que le programme des Garages Renault Solidaires ou encore le Programme Malin.

Un principe sociétal

L’Action Tank Entreprise et Pauvreté a donc vocation a introduire le « social business » en France. L’organisme a été créé en 2010, par Martin Hirsch et Emmanuel Faber (Danone), dans le mouvement de la création d’une chaire à HEC « Entreprise et Pauvreté », dont le propos essentiel était de penser comment et quelles contributions l’entreprise pouvait apporter à la lutte contre la pauvreté. Le concept fondateur de l’Action Tank Entreprise et Pauvreté fut donc le suivant : mettre en place des dispositifs expérimentaux d’une part, faire des études plus théoriques sur la question d’autre part : les études permettant de cibler des besoins, des demandes, des mécanismes structurant la pauvreté, et d’identifier les besoins auxquels le « social business » aura pour mission de répondre. De là naissent des projets dont la vocation est d’offrir des produits et des services adaptés aux besoins des populations fragiles : dans différents domaines comme l’alimentation infantile, la téléphonie, la santé, la mobilité, le logement…Toute l’importance et en même temps l’originalité de l’Action Tank Entreprise et Pauvreté est donc d’avoir introduit le ‘social business’ en France, à travers des projets concrets initiés par des entreprises.

Un fonctionnement interactif

L’Action Tank Entreprise et Pauvreté offre donc un cadre collaboratif et un champ d’interaction entre les différents partenaires, qui sans l’association n’auraient peut-être pas l’occasion de se rencontrer, de partager leurs expériences et leurs pratiques, et qui n’auraient peut-être pas non plus, tout simplement, eu l’idée de se lancer dans le « social business ». Ce sont les entreprises elles-mêmes qui peuvent solliciter l’Action Tank Entreprise et Pauvreté. Amélie De Boel, chef de projet, commente : « Les entreprises nous rejoignent sur base du volontariat, parce qu’elles ont l’envie et la motivation de participer à cette dynamique positive. Renault est ainsi un des derniers à nous avoir rejoint, ils étaient intéressés par les principes du ‘social business’ et sont donc venus nous voir ». Du coup ce n’est pas l’association qui démarche les entreprises. « On est une petite équipe, on est trois permanents, et nous préférons pour l’instant concentrer nos efforts à faire réussir les programmes qui ont été lancés, avant d’aller démarcher activement d’autres entreprises»

L’Action Tank Entreprise et Pauvreté est avant tout centré sur des produits et services de première nécessité. « Nous privilégions les biens et services dits essentiels, ce qui explique les thématiques de nos premiers programmes : la santé, la mobilité, l’alimentation, le logement ». Chaque programme applique les principes du social business « L’idée principale est d’essayer de trouver un modèle économique soutenable, qui ne dépende pas de subventions, et dans lequel on ne perde ni ne gagne d’argent. Le jour où nos programmes auront atteint un succès certain et feront donc potentiellement du profit, un système de reversement des gains au profit des programmes sera mis en place». Il s’agit donc là du modèle directeur, même si bien entendu chaque ‘social business’ se structure différemment en fonction notamment de son système et de ses partenaires. « Il y a une grande ligne qui est celle de trouver le modèle économique, mais après, forcément, il y a des modèles différents, puisqu’il y a des partenaires différents. Dans le cas du Programme Malin par exemple, pour l’instant, Blédina est la seule entreprise impliquée et engagée, c’est donc elle qui supporte l’effort sur les prix . Le cas d’Optique Solidaire est particulier, puisqu’il implique l’ensemble de la  chaîne des acteurs de l’optique, donc l’effort sur le prix est réparti entre les différents acteurs ».

Ainsi, l’Action Tank Entreprise et Pauvreté introduit le ‘Social business’ en France : il s’agit de penser des modèles économiques permettant de répondre à un besoin social, en réunissant différents acteurs, qui acceptent de diminuer ou de supprimer leur marge, pour faciliter l’accès à certains types de produits à une population qui est dans le besoin. Une idée nouvelle, qui commence à émerger, qui suscite la sympathie, quoiqu’elle soit encore marginale, mais qui pourrait, si elle se développe conséquemment, changer beaucoup de choses dans notre fonctionnement économique, c’est à dire, tout en en modifiant le principe, en changer aussi l’esprit.