Anne Villégier, la veine participative

Se mettre autour de la table pour dialoguer, avoir le réflexe de réfléchir ensemble, participer à des réunions militantes dans des squats. Ce sont des éléments représentatifs de la vie d’Anne Villégier.

Ne lui dites pas qu’elle est une militante, Anne Villégier préfère qu’on la nomme “citoyenne de l’agglomération grenobloise”. Si aujourd’hui elle est membre de l’Association de Parrainage Républicain pour les Demandeurs d’Asiles et de Protection (Apardap), elle a toujours été proche du terrain et des actions collectives durant sa carrière d’assistante sociale.

Connectée aux quartiers

Mis à part une année passée aux États-Unis, Anne Villégier n’a pas quitté l’agglomération grenobloise. Durant ses années de travail en tant qu’assistante sociale à Saint Martin d’Hères ou à Grenoble, elle a toujours travaillé en “polyvalence de quartier”. Comprendre : attachée à un quartier spécifique. Le travail de terrain et la participation citoyenne, c’est son ADN. Dans cette veine, elle a encouragé dans le quartier Teisseire (Grenoble) la création d’un Forum entre professionnels et habitants. Un lieu pour réunir “autour de la table” à la fois les responsables locaux, vice-président du Conseil Général de l’Isère, directeur de la Caf, administrateurs de la sécurité sociale ou du CCAS, et à la fois les citoyens, les habitants engagés pour leur quartier. Dans ce cadre, des petites actions ont pu être menées, comme faire avancer des règlements départementaux ou municipaux. Par la suite, des délégations d’habitants ont pu assister à des conseils d’administration. C’est “quelque chose qui m’a beaucoup intéressé” confie t-elle.

La Villeneuve et le réfléchir ensemble

Dès 1973, Anne Villégier a pris un appartement dans le jeune quartier de La Villeneuve. Une colocation étudiante à quatre au 60 galerie de l’Arlequin pour démarrer. Puis, au fur et à mesure que la famille se construisait, un T2, puis un T4, toujours dans le quartier. Ces années là étaient “pleines de projets, pleines d’utopies”. Anne Villégier décrit cette période  comme “un melting pot de société” où il y avait le “réflexe de réfléchir ensemble”. Elle explique qu’à cette époque des premiers arrivants, il n’y avait pas encore les structures telles que le quartier les connaît aujourd’hui. Ce qui poussait les habitants à s’organiser collectivement. La crèche et le centre de santé ont pu aboutir grâce à l’action des parents et des habitants. C’est cette émulation collective qui a forgé la vie d’Anne Villégier. “L’expérience La Villeneuve” était à l’image de ces réunions à “60 personnes pour refaire le monde, la société”. Des réunions rendues possibles grâce à des appartements mis à disposition des habitants dans chaque coursive, dénommés “mètres carrés sociaux”.

Hyper-active

À 63 ans, Anne Villégier est à la retraite depuis plus de 3 ans. Ce qui n’empêche aucunement son hyperactivité sociale. Son mari en premier lieu “ne voit pas la différence avec avant, quand [elle] était militante sociale ou militante syndicale“. Sa petite-fille en stage pour l’Accueil des Demandeurs d’Asile (Ada, dans le bureau en face à la Maison des Associations) acquiesce elle aussi cette activité chronophage. Même sans connaître Anne Villégier, il suffit de compter le nombre d’interpellations directes ou par téléphone qu’elle reçoit en une matinée pour se rendre compte de cette nouvelle vie très active.

“Accueillis et accueillants”

Dans son association de parrainage l’Apardap, Anne Villégier accompagne les “accueillis” en cours de régularisation. Un terme plus approprié pour elle que “expatriés” ou “migrants”, souvent sujets de débats. Même en cas de refus des administrations, les “accueillis” continuent d’être soutenus par les “accueillants”.

L’association développe aussi des “cycles de rencontres, réunions ou rencontres extérieures”. Il s’agit de discuter d’initiation républicaine à travers des thèmes comme “égalité homme-femme”, “l’éducation et la société française” ou à travers des séances d’histoire de 1789 à nos jours, proposées par une ancienne professeur d’histoire. Un livre “Avant l’exil, j’étais quelqu’un” a été réalisé par des accueillis. Des lectures publiques de l’ouvrage ont été organisées à Lans-en-Vercors, Sappey-en-Chartreuse, place Saint-Bruno ou à l’occasion de festival. Et puis, il y a les autres collectifs (Hébergement Logement) et réseaux (Cisem, Migrants en Isère) auxquels Anne Villégier contribue activement. Et si parfois les méthodes de chacun différent, elle insiste : “il n’y a pas un bon mode d’intervention, il y a plusieurs modes, différents moyens”. Et si ça ne suffisait pas, notre citoyenne de l’agglomération fait partie de la Chorale des barricades, qui reprennent des chants révolutionnaires pour parler des luttes d’aujourd’hui.

Un côté rebelle

La vie entière d’Anne Villégier a été rythmée par les combats syndicaux ou associatifs. Soucieuse de ne pas perdre pied avec le terrain, elle n’a jamais voulu évoluer dans la hiérarchie. Elle perçoit une “tendance à ne plus écouter la base” lorsqu’on prend du galon. Bien qu’au fait de ses obligations professionnelles, “j’allais très loin dans l’ignorance dans mes devoirs de réserve”, confie t-elle. Autre exemple, avant la fin de la trêve hivernale fin mars, elle participait une fois par semaine à des réunions de collectifs organisées dans des squats de Grenoble. Plus précisément des logements laissés vides par la ville et réquisitionnés par des militants.

Connue de tous…

Le 23 mars, Anne Villégier est allée à la rencontre de la ministre du logement Emmanuelle Cosse, en déplacement à Grenoble. Visite improvisée qui n’a laissé que très peu de temps pour la mobilisation des militants. À cette occasion, son collègue militant s’est vu confisqué un porte-voix et sommé de décliner son identité. Anne Villégier voulant donner ses propres coordonnées à sa place s’est vu répondre des renseignements généraux, “peu importe Madame, nous les avons déjà”. Notre citoyenne de l’agglomération grenobloise est donc fichée… pour la bonne cause ?