Automaticité et conditionnalité du RSA, 2 objectifs compatibles ?

Lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron portait 2 projets de réforme concernant le RSA. Il souhaite instaurer une conditionnalité plus stricte pour l’obtention de celui-ci, en imposant l’obligation d’une activité à but d’insertion professionnelle de 15 à 20 heures par semaine. Il propose également le versement de cette aide de manière automatique. Mais ces 2 mesures sont-elles compatibles ? 

Sur la conditionnalité du RSA

Sujet récurrent à l’aile droite de l’Assemblée Nationale, cette conditionnalité a été dès 2017 envisagée par le parti les Républicains (LR). Elle a même fait l’objet d’une proposition de loi en 2017 par l’ancien député LR Guillaume Peltier « visant à conditionner le versement du revenu de solidarité active à des missions obligatoires ». Une mesure similaire de conditionnalité avait été décidée en février 2016 par le Conseil Départemental du Haut-Rhin sous la forme de 7 heures de bénévolat. Annulée dans un premier temps par le tribunal administratif, le Conseil d’État a finalement cassé cette annulation. Il jugea que le contrat d’insertion (qu’on appelle désormais le Contrat d’Engagement Réciproque, CER) peut prévoir des actions de bénévolat à la condition qu’elles contribuent à une meilleure insertion professionnelle et qu’elle soit compatible avec la recherche d’un emploi. Depuis 2018 la possibilité de conditionner le RSA à des heures d’activité est donc déjà possible.

Sur l’automaticité du RSA 

Dans un rapport récent de janvier 2022, la Cour des Comptes mettait en exergue le fait que 30 % des ayants droit au RSA ne le demandait pas et donc n’en bénéficiait pas. Dès lors un RSA vraiment automatique serait une percée majeure contre le non recours et contre la précarité. Néanmoins, l’automaticité du RSA et des aides sociales en général s’accompagnent de questions collatérales. Que faire si un ayant droit souhaite refuser son droit ? Est-on dans l’obligation d’accepter un droit et peut-on le refuser? Et, dans le cas de la volonté d’un refus d’un droit, comment le refuser et à qui doit-on rendre ce que l’on ne souhaite pas percevoir? 

De plus, le versement automatique du RSA et plus généralement des minimas sociaux représente un gros chantier en termes de transformation numérique. Il y a la question du partage des données entre administration fiscale et sociale. Cela demandera du temps, de l’argent et de la volonté politique. 

Concilier automaticité et conditionnalité, est-ce compatible ?  

Philosophiquement, les 2 mesures ne sont pas antagonistes. D’un côté, concernant l’automatisation du versement des aides, il s’agit d’améliorer l’efficacité du RSA comme lutte contre la pauvreté et le non recours. De l’autre, le conditionnement de l’aide à la pratique d’une activité, s’inscrit dans une logique de tremplin et de retour à l’emploi. 

C’est dans la pratique que les choses se compliquent. Pour conditionner le RSA à une activité de 15 ou 20 heures par semaine, il faudrait que les services d’insertion soient en mesure de pouvoir proposer ces heures-là et de les contractualiser via des contrats d’activité. Or dans certains départements, un agent d’insertion pouvant parfois gérer plus d’une centaine d’allocataires (jusqu’à 144 allocataires dans le département de Seine-St Denis), à cette mission d’accompagnement s’ajoute une mission de plus. Conditionnaliser le RSA à une activité demandera nécessairement d’engager des agents supplémentaires pour assurer cette nouvelle mission. 

Enfin, philosophiquement, sera t’il possible de refuser l’aide RSA et de refuser la conditionnalité qui lui serait adossée? Si le RSA devient une aide automatique, et que cette aide automatique est conditionnalisée, la conditionnalité devient elle de fait automatique? Le non recours d’une aide quel qu’elle soit peut être dans certains cas un choix, un droit ou une liberté. Et la liberté étant un Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République (PFRLR) et de nature normativement constitutionnelle, cette automaticité devra être accompagnée d’un moyen d’y renoncer sous peine d’être censurée par le Conseil Constitutionnel. 

Giovanella Frédéric pour lebonplan.org