Betsie Péquignot : la tisseuse de liens

À 71 ans, Betsie Péquignot a gardé intacte la foi : une foi dans l’humain qu’elle cultive jour après jour dans ses multiples engagements associatifs. Rencontre avec une artiste passeuse de solidarités.

 Les graines de solidarité

En Matheysine depuis cinquante ans, Betsie a grandi en banlieue parisienne, à Argenteuil. Hospitalisée à l’âge de six ans pour une maladie du cœur, l’enfant n’ira pas à l’école, ce qui a certainement influencé son caractère : « Il me manque des codes sociaux. J’ai du mal à me ranger à des mots d’ordre. » Elle grandit dans le terreau de solidarité de ses parents qui accueillent chez eux d’anciens détenus.

Employée dès 17 ans dans une librairie en bordure d’un bidonville, elle tisse des liens d’amitié avec ses habitants, des immigrés de première et deuxième génération : « On faisait des pop-corn qu’on vendait au feu rouge et des jeux de piste dans le métro ». Elle va même créer, au sein d’un baraquement, une sorte de syndicat d’initiative de jeunes sous l’égide du Conseil Français des Mouvements de Jeunesse. Lors d’un échange entre responsables départementaux de ces Points H, elle rencontre Claude, étudiant en philosophie à Grenoble, ils se marient et arrivent à la Mure. Les débuts sont difficiles : « Je sais ce que ça représente de ne pas finir le mois. À cinq mois de grossesse, j’avais perdu cinq kilos. »

Femme au foyer, elle va élever six enfants dont deux jumeaux de la DDASS. La porte de sa maison reste toujours ouverte pour ceux qui n’ont nulle part où aller. Engagée au niveau paroissial, elle répond à une suggestion de l’Institut Catholique de Paris, et initie en 1974 des ateliers de réflexion autour du credo chrétien, qui commençaient par cette question « Qu’est-ce qui vous fait marcher dans la vie ? » Une question en soulevait dix autres. La foi est omniprésente dans le parcours de cette femme pour qui « la religion est ce qui relie. »

Pour la paix

En 1995, alors que son mari est maire de la Mure, elle participe aux treize derniers jours de la grève de la faim « pour la paix en Algérie » de Djelloul Benchick. Pour le convaincre de se réalimenter, elle lui dit « Tu as l’impression de donner ta vie, mais tu donnes ta mort. Si tu arrêtes, ton comité de soutien trouvera un moyen de relayer ton geste. » C’est ainsi qu’est née la Maison de la Paix à la Mure : « Depuis vingt-trois ans, nous nous retrouvons tous les vendredis, entre gens de cultures différentes. Nous avons organisé des conférences sur la non-violence, sur les minorités, sur le conflit Palestine Israël, les différences entre Chiites et Sunnites…»

Gagner la paix, une histoire personnelle aussi, quand, à un moment de sa vie, Betsie sent que celle-ci lui échappe : « De la naissance à la mort, que faisons-nous de nos fragments de vie, même blessants ? Je me suis vue comme un livre sans texte, fait d’une accumulation de manques  : manque d’amour, de considération, de temps, de fric… Mais j’ai découvert que ce qui circule par les manques, c’est la lumière. La lumière devient le corps du texte. Il n’y a plus d’histoire écrite à l’avance. Alors je me suis mise à coudre des bribes de textes dans des livres transparents en Plexiglas, on m’a proposé d’exposer, c’est ainsi que je suis devenue artiste. »

De fil en aiguille, Betsie va tisser une nouvelle toile, celle du lien renforcé, à travers la création de Puits’art en 2007. Cette association réalise des expositions autour de questions de société, et édite des livrets d’artistes associés. Depuis 2017, Puits’art a aussi lancé, avec l’URM, la publication de la revue trimestrielle « Tambour battant », distribuée gratuitement en 1000 exemplaires, qui donne à voir la vitalité des associations culturelles, patrimoniales et solidaires du plateau matheysin. Une quête de partage sans cesse renouvelée pour cette cueilleuse de sens.