Demain, j’arrête !

Pierre Ménard publie au Cherche-Midi 20 bonnes raisons d’arrêter de lire, un livre qu’il est bien difficile… de ne pas avoir envie de lire.

De lire, mon cœur s’est arrêté

Lire rend fainéant, lire rend fou, lire rend pédant, lire détruit l’environnement, bref lire est dangereux : voilà quelques éléments de la thèse que nous invite à lire Pierre Ménard, avec une mauvaise foi parfaitement revendiquée et un sens de la logique que Swift n’aurait pas renié.

« Les sondages sont formels : la lecture ne cesse de décroître », fait mine de se réjouir l’auteur, sans pour autant se contenter de cette maigre victoire : son propos vise à démontrer tous les méfaits de la littérature pour mieux dégoûter chaque honnête homme de s’adonner à ce vice, en jouant à confondre – sans d’ailleurs s’en cacher – écrivains et lecteurs, tant il est plus facile d’aller chercher des personnalités complexes ou contestables parmi ceux qui écrivent des livres que parmi ceux qui en lisent.

20 bonnes raisons d’arrêter de lire est évidemment un hommage vibrant à la littérature, d’autant plus vibrant qu’il n’est pas question ici de grande déclaration d’amour aux trémolos pathétiques, ni de longues déclinaisons verbeuses à la Roland Barthes. Pierre Ménard célèbre le livre avec humour et ironie, et souligne autant le ridicule des pourfendeurs de la littérature que celui dont peuvent faire preuve les littérateurs. Une dérision que l’auteur ne manque d’ailleurs pas de s’infliger à lui-même.

Je lis bien, ne t’en fais pas

Proustien dans l’âme, l’auteur-cathédrale ne cessant d’apparaître au fil des pages, Ménard est de toute évidence un jeune homme érudit dont le style ne manque ni de sel, ni de sens de l’absurde. Si certains chapitres font moins mouche que d’autres, si certains bons mots pourront sembler un peu affectés, on dévore avec plaisir ce petit livre dont l’existence même est un paradoxe en soi, regorgeant d’anecdotes et de citations sans jamais tomber dans l’ana rébarbatif.

« Les Témoins de Jéhovah ont leur manuel, les islamistes le Coran (…), les communistes Le Petit Livre rouge, les anarchistes Proudhon, les nazis Mein Kampf et les enfants Oui-Oui » écrit-il en signant combien lire est dangereux pour la société. Les lecteurs et amoureux du livre auront eux, comme aurait pu l’écrire Ponson du Terrail dont les formulations hasardeuses sont légendaires, le plaisir de tenir entre leurs mains et cet ouvrage, et le sourire qu’il leur inspirera. 

20140417 20bonnesraisons120 bonnes raisons d’arrêter de lire
de Pierre Ménard
Éditions du Cherche-Midi
130 pages, 12 €