Le plan de Valls sur les prestations sociales fortement discuté

Le plan économique du nouveau premier ministre Manuel Valls n’a pas fini de faire des remous. A gauche comme à droite on critique son efficacité et ses conséquences. Le premier ministre reçevait hier des députés du groupe socialiste pour mettre au point un dispositif qui devrait être adopté, sous sa forme ultime, la semaine prochaine. De quoi s’agit-il, et quels en sont les enjeux ?

 

Etat des lieux des prestations touchées

Sous la pression économique européenne, et face à un déficit public trop important (l’objectif étant de passer sous la barre des 3 % du PIB), Manuel Valls a choisi de frapper fort pour marquer son entrée au gouvernement : il annonçait le 16 avril dernier un plan de redressement de notre déficit national à hauteur de 50 milliards d’euros. Le « hic » : sur une telle somme, 10 milliards proviendrons d’économie supportées par les ménages. Cinq milliards environ seront gagnés grâce à la réforme des retraites, de la politique familliale ou au niveau de l’assurance-chômage. Mais ce sera un rabot sur les prestations sociales qui permettra d’atteindre l’objectif du plan économique. Non pas une réduction des prestations sociales : Manuel Valls s’en défend, mais un simple gel : « Il n’est pas question évidemment de diminuer le montant des prestations sociales mais, dans le contexte exceptionnel qui est le nôtre, elle ne seront pas revalorisées jusqu’en 2015. ». C’est à dire que les prestations sociales ne seront pas, cette année, ré-indexées sur l’inflation (0,7 % en 2013). Seuls les « minima sociaux », c’est à dire le RSA, l’Allocation spécifique de solidarité, l’Allocation adulte handicapée (AAH), et l’Allocation de solidarité aux personnes agées seront réévaluées en 2014. Cependant les bénéficiaires du RSA seront tout de même sanctionnés, puisque le plan de redressement global  de 10% du RSA (d’ici 2017), prévu dans le cadre du plan contre la pauvreté adopté en 2013, sera gelé cette année, et n’augmentera à nouveau, de 2%, qu’en septembre 2015.   

Ainsi, la retraite de base n’augmentera pas le premier octobre prochain, de même pour les retraites complémentaires (Agirc et Arrco pour les cadres ou salariés du privé). Par contre l’allocation de solidarité aux personnes agées, en tant que minima social, sera réévaluée au même titre que les autres minima sociaux.  

Les allocations familliales, que vous ayez deux, trois ou quatre enfants,  n’augmenteront pas cette année. Vous ne bénéficierez pas non plus d’une revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire à la fin des prochaines grandes vacances, quelque soit l’âge de vos enfants. De même l’allocation Paje (enfants en bas âges) ne sera pas réévaluée, ni l’allocation de soutien famillial (famille monoparentale), ni le complément familial (familles nombreuses).

Au niveau de l’aide au logement. Les aides APL, ALF ou ALS ne seront pas indexées sur la hausse de l’immobilier ni en 2014, ni en 2015, quelque soit la composition du ménage ou ses revenus.

Pour les handicapés, l’AAH, comme tous les minima sociaux, sera bien revalorisée, mais la « majoration pour la vie autonome » (ancien complément AAH), ou « l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé » (AEEH) ne seront pas, elles, augmentées cette année.

Un plan mal apprécié

Comme on peut s’en douter, les commentaires et les réactions n’ont pas tardé à fuser. A droite, on saluait l’ambition d’économiser, tout en remarquant que la véritable solution résiderait dans un renouvellement des structures plutôt que dans une limitation du montant des prestations sociales. Valérie Pecresse réclamait donc de « vraies réformes structurelles ». Même son de cloche pour Jean-François Copé : « Le compte n’y est pas. Manuel Valls s’est contenté de mesures ponctuelles et n’a pas annonçé une seule réforme de structure », déclarait-il. Un point de vue également partagé par le MEDEF qui commentait : « le gouvernement doit aller plus vite et plus loin dans son ambition de diminuer les dépenses publiques et proposer de véritables réformes structurelles ».  

Mais le plus surprenant est la volée de protestations à gauche. Dès l’annonce du plan, députés et syndicats de gauche clamaient leur hostilité au projet. Christian Paul, député socialiste, jugeait les annonces du Premier ministre « inacceptables en l’état sur le fond comme sur la forme ». D’autres députés, comme Marie-Noëlle Lienemann jugeait ces annonces « très défavorables aux classes modestes et populaires » . Du coté des syndicats Jean-Claude Mailly (FO) commentait : « De telles décisions vont pénaliser lourdement, notamment et les plus défavorisés, et accroître les inégalités,la précarisation et la pauvreté », tandis que Thierry Lepaon (CGT) considérait que « Les mesures annoncées sont régressives ». Certains, enfin, comme Jean-Luc Mélenchon, jugeaient que le véritable responsable de l’austérité habite Bruxelles : c’est l’engagement de réduction des déficits pris par la France devant la Comission européenne qui serait la vraie cause des mesures drastiques prises par Manuel Valls. Ainsi ,pour  le leader du Front de Gauche : « Valls fait l’huissier de la commission européenne. La commission a dit : ‘vous paierez’. Valls commence la saisie. ».

L’idée d’un « plan B »

Certains députés PS ont concentré leurs efforts sur l’élaboration d’un « plan B », qui permettrait de réaliser les économies voulues sans toucher aux prestations sociales. Les propositions ont été transmises au président du groupe socialiste Bruno Le Roux et à la nouvelle rapporteuse générale du Budget à l’Assemblée nationale Valérie Rabault avant d’être communiquées à Manuel Valls.

La première proposition : conserver l’objectif de 50 milliards d’économie, mais sans toucher les prestations sociales, en faisant payer la note aux entreprises. Comment ? Trois scénarios. Soit repousser le « pacte de responsabilité », c’est à dire le programme d’allègement des charges sur le travail, jusqu’en 2016. Soit plafonner le « crédit d’impôts recherche », qui allège les impôts des entreprises. Soit, enfin, rabaisser la réduction fiscale des entreprises (autrement dit augmenter leurs impots).

La seconde proposition : limiter l’objectif de l’économie à 35 milliards au lieu de 50 milliards. Comment ? En faisant porter aux entreprises le poids des économies, et en allongeant le délai prévu du plan d’économie au-delà de 2017.

Toutes les idées sont donc sur la table du premier ministre, qui devrait continuer à consulter dans les jours qui viennent, avant de proposer son plan à l’Assemblée Nationale le 29 avril prochain. Mais les associations sont d’ores et déjà indignées. Le Collectif Alerte, qui rassemble les principales associations sociales et solidaires de France, et qui avait participé à l’élaboration du plan pluri-annuel contre la pauvreté adopté en janvier 2013, demande fermement aux élus de ne pas voter ce plan de réforme. Le Bon Plan vous proposera très prochainement une revue, dans le détail, du point de vue des associations et de certains de nos élus locaux sur la question.