Écrire, dit-elle

Posy Simmonds propose dans Literary Life son regard sur la vie littéraire de la Grande-Bretagne, dont on découvre qu’elle n’a rien à envier à la nôtre.

L’écrivain sans qualités

Rik Raker, Docteur Derek, quelques écrivains connus ou dépassés et les fantômes de Jane Austen ou Beatrix Potter qui flottent dans les coins, voilà la faune que le lecteur découvrira au fil des pages de Literary Life, des « scènes de la vie littéraire » à l’anglaise.

Publiées dans le supplément littéraire du Guardian, les planches de Posy Simmonds traquent les travers et les malversations de la vie littéraire de son pays : jalousies et susceptibilités, mesquineries et lâchetés, pince-fesses aux toasts amers ou séances de signatures solitaires, la plume de l’auteure est souvent bien plus cruelle que son dessin, très anglo-saxon dans l’âme, pourrait le laisser croire.

Mais Simmonds ne se contente pas de porter son regard acerbe sur les personnes qui font la vie littéraire de son pays : elle relève aussi l’affadissement du style, la quête du best-seller, et les opportunistes du traitement de texte qui envahissent les rayons des librairies, et particulièrement ceux de la littérature jeunesse, flattant les bas-instincts même des plus jeunes lecteurs.

Le bûcher des vanités

Plus tendre, Simmonds sait aussi l’être quand elle décrit l’intimité de l’écrivain, le paradoxe d’un imaginaire tumultueux se développant dans la tranquille sérénité d’une maison d’hiver, au coin du feu, ou au bord de la piscine d’un hôtel paradisiaque. Ou quand elle raconte les librairies et les libraires, nostalgiques bien souvent du temps où les grandes chaînes de magasin ne leur faisaient pas concurrence.

On retrouvera dans ce recueil l’humour racé et subtil des dessinateurs de presse anglais ou américains, une ironie douce-amère bien spécifique et peu présente dans le dessin français, sauf dans les ouvrages de Jean-Jacques Sempé. Le ton est sobre, la ligne sait être mordante, mais on regrettera peut-être que, quelquefois, l’auteure cède aux facilités du bavardage qu’elle dénonce volontiers chez les autres.

Literary Life ne plaira pas à tout le monde, et beaucoup lui reprocheront sans doute de trop sentir le salon et les petits fours, mais il demeure une lecture souvent distrayante qui rappellera à chacun que les mœurs de la vie littéraire ne sont décidément pas bien différentes d’un pays à l’autre, faites des mêmes envies et des mêmes vanités.

20140626 literarylifeLiterary Life
de Posy Simmonds
Traduit de l’anglais par Lili Sztajn et Corinne Julve
Denoël Graphic
104 pages, 22,50 €