Habitat & Humanisme : un dispositif d’insertion et d’accompagnement

Habitat & Humanisme est un organisme créé en 1985, par Bernard Devert (ancien professionnel de l’immobilier devenu prêtre), dont l’ambition est d’oeuvrer pour des personnes en difficulté.

Un triple principe

L’idée de Bernard Devert est d’agir sur trois axes : d’abord permettre à ceux qui sont dans le besoin d’accéder à un logement, ensuite, via cette politique d’insertion, essayer de contribuer à la mixité sociale, et lutter ainsi contre la mise à l’écart de certaines personnes, et enfin, à la faveur d’une rencontre avec les plus démunis, ouvrir le dialogue et proposer un accompagnement social, leur faire connaître différents moyens de réinsertion possible, bref, leur tendre la main, humainement et socialement.

On peut dire que Habitat & Humanisme (H&H) s’est donné les moyens de son action : aujourd’hui l’organisme est présent sur 65 départements, réunit 2800 bénévoles, emploie 294 salariés, et a déjà logé plus de 16 000 familles depuis sa création.

Pour proposer des logements, et pour développer la mixité sociale, l’association Habitat & Humanisme va bien au-delà d’une simple médiation entre demandeurs et fournisseurs de logements, puisque elle construit, achève et rénove elle-même des logements et prend aussi en gestion des logements que leurs confient des propriétaires solidaires, privés ou publics. Grâce aux services qu’ils offrent, ces derniers peuvent bénéficier d’avantages financiers (fiscaux ou autres), et trouvent ainsi avantage à collaborer avec H&H. Enfin, l’association fait de la médiation locative, c’est à dire qu’elle intervient aux différents stades de la recherche de logement (dispositifs, réseaux, suivi individuel, montage de dossiers…) pour proposer des solutions aux personnes en difficultés.

« Habitat », donc, mais aussi « humanisme ». H&H propose à toute personne rencontrée dans le cadre du dispositif pour le logement, un « accompagnement de proximité » : qui peut porter sur l’aide administrative, ou même quelques petits travaux ou bricolage, découvrir son nouveau quartier de résidence, apporter un peu de soutien scolaire, ou même simplement passer un moment de convivialité. C’est le volet humaniste du projet de Bernard Devert. Ce projet permet alors de joindre  sinon l’utile à l’agréable, au moins les deux aspects fondateurs de l’organisme, puisque existent déjà des « pensions de familles », avec des espaces de vie communs, salon, cuisine, jardins, qui permettent de renouer avec une coexistence sociale. H&H propose aussi, dans ce cadre, des animations collectives, des jeux, des sorties…

Un dispositif implanté en Isère

La « section » iséroise a été créée en 1998. Elle n’a eu de cesse de se développer jusqu’en 2011, année marquée par l’ouverture d’une maison relais, « Les bons enfants », à Grenoble. H&H Isère, c’est déjà 120 logements, 48 familles accompagnées, 195 adhérents, 900 sympathisants, 60 bénévoles et deux salariés. La section Isère s’est constituée en quatre pôles : pôle financier, pour rechercher des investisseurs partenaires au projet ; pôle immobilier pour trouver des promoteurs ou des propriétaires qui s’engagent solidairement ; pôle accompagnement dont la démarche essentielle est de proposer un accompagnement aux candidats au logement ; et un pôle communication qui s’occupe de faire connaître l’organisation ainsi que les événements qu’elle organise.

Dominique Ducrot (à droite sur la photo avec Pierre Edel), responsable à H&H Isère, explique : « Il manque un certain nombre de logements sociaux, les gens ont de la difficulté à se loger, on ne se pose pas trop de questions philosophiques, mais il y a un besoin et on est là pour essayer d’y répondre à notre échelle en tant qu’association locale. ». C’est que, pour Dominique Ducrot, l’associatif n’est pas là pour critiquer une carence politique ou sociale. « Je pense que l’Etat ne peut pas tout faire. C’est pour ça que nous, on est là. Il ne faut pas s’appuyer uniquement sur l’Etat, on aura beau donner des moyens plus importants à l’Etat, ça ne sera jamais assez, donc si des particuliers, le privé, ne viennent pas en complément de l’activité gouvernementale, on n’y arrivera pas. C’est le privé qui essaye d’apporter sa contribution en complément de l’action gouvernementale. ».

Pour spécifier H&H, Pierre Edel et Dominique Ducrot expliquent la relation, à leurs yeux nécessaire, entre le logement, l’accompagnement et la réinsertion. Pierre Edel nous dit : « Ce n’est pas ‘on vous loge et on verra après’. On vous loge, et on vous accompagne pour essayer de faire de la réinsertion. La réinsertion ne peut se faire ou elle est difficile à faire si il n’y a pas de logement, mais ne faire que loger ce n’est pas notre rôle, car à ce moment là on deviendrait bailleur social. Pour nous le logement est un moyen pour réinsérer les gens. On ne construit pas des logements pour loger, on construit des logements pour que les gens se réinsèrent et pour accompagner ceux qui le souhaitent. ».

H&H fournit donc une aide, mais une aide qui sollicite aussi la responsabilité de ceux à qui on tend la main. Dominique Ducrot commente : « Les gens doivent se prendre en main : on les accompagne à cette fin, pas pour faire le travail à leur place. C’est un accompagnement de proximité, pour qu’elles se reprennent en main et ensuite puissent construire éventuellement un projet. ». Quant à la réinsertion par l’activité économique, H&H accompagne vers l’emploi, mais n’endosse pas le rôle d’une structure d’emploi. Elle oriente vers des structures préexistantes comme Pôle-Emploi ou d’autres associations et organismes spécialisés. Pierre Edel le dit bien : « On ne se substitue pas aux travailleurs sociaux. ». Par contre, dans le dialogue et avec un peu d’aide, l’accompagnement de proximité peut aider à faire renaître un projet et à relancer ce qui était au point mort. Dominique Ducrot ajoute : « On les incite par un accompagnement de proximité à prendre contact avec des travailleurs sociaux, leur donner des idées, pour essayer d’élaborer un projet d’avenir, mais on n’est pas là pour prendre rendez-vous à leur place. ».

Et parfois ça marche. « Ca marche mais pas toujours. Il y a des gens qui se réinsèrent, il y en a qui sortent de chez nous parce qu’ils ont trouvé une activité pour se réinsérer et trouvé un job, mais il y en a beaucoup qui sont toujours au RSA et qui pataugent un peu. ». En tous cas H&H réunit tous les ingrédients pour la réinsertion, en conjuguant le facteur de l’habitat et le facteur social, à l’image de cet immeuble, en face du cinéma le Club à Grenoble, complètement rénové et devenu pension de famille. « Il y a avait un immeuble absolument horrible, complètement tagué, squatté, muré,  réhabilité par H&H, et inauguré il y a un peu plus de deux ans. Là il y a 18 logements, avec deux salariés professionnels, et nous accompagnons des gens vraiment très cassés par la vie. On les aide à se reconstruire, et des bénévoles viennent les rencontrer. Il y a des parties communes, un salon, une cuisine, des repas deux fois par semaine, pour que les gens se re-socialisent. C’est clair que tout le tissu social est très fort, il y a des tas de gens de différents organismes qui passent, les salariés avec les accompagnants d’H&H apportent de la sympathie. Les gens reprennent confiance petit à petit, mais c’est un travail de longue haleine. ».

Une initiative, donc, qui non seulement redonne confiance à ceux qu’Habitat & Humanisme accompagne, mais qui peut aussi nourrir un espoir plus large, pour tous ceux qui doutent de  l’avenir de notre société, et qui montre qu’il n’y a pas de fatalité dans le domaine de la solidarité.