Femmes SDF : le choix de la participation

Le local des femmes, accueil de jour qui vient en aide aux femmes en errance, aura dix ans cette année. Cette initiative menée avec la participation de ces femmes reste une expérience rare en France. Quel est le rôle de l’association Femmes SDF qui gère le local ? Quels sont ses moyens ? Découverte d’une structure au rôle essentiel.

L’association Femmes SDF, vient en aide aux femmes en errance : elles sont sans domicile fixe ou hébergées temporairement par des proches ou vivent dans des hébergements d’urgence. Certaines femmes accueillies ont encore leur logement mais vivent une situation de grande précarité. Les structures d’hébergement classiques (mixtes) ne répondent pas souvent aux demandes des femmes, pour des raisons très diverses. En effet, certaines refusent souvent d’y habiter ou sont parfois exclues de ces lieux qui ne leur correspondent pas.

Des femmes viennent au local de leur propre initiative, d’autres sont orientées ici par des associations partenaires. Cependant pour la plupart d’entre-elles, c’est l’association elle-même qui va à leur rencontre via les maraudes et des présences hebdomadaires dans d’autres accueils de jour et des hébergements d’urgence. Ces maraudes dans les rues de Grenoble sont toujours organisées le jour en partenariat avec d’autres associations et avec le concours de femmes qui ont ce vécu et l’expérience de la rue.

Un public particulièrement fragile

Selon Maïwenn Abjean, directrice de l’association, « Elles sont très différentes et parfois très fuyantes. Certaines d’entre-elles ont encore leurs enfants avec elles, d’autres ont leurs enfants placés et souffrent énormément de cette situation. »  La Précarité aussi bien matérielle que sentimentale est toujours présente. Ces femmes sont aussi très isolées : pas d’ami et peu ou pas de relations avec leur famille, leur histoire est souvent composée de difficultés cumulées : placements, logements, famille, hospitalisations, enfants placés eux-mêmes…
Les problèmes de santé les plus fréquemment rencontrés sont les troubles psychologiques et psychiatriques, les maladies de peau et les addictions multiples comme l’alcoolisme et la drogue. « L’errance au féminin se caractérise souvent par une forte volonté de ne pas lâcher, les femmes tombent moins souvent dans la clochardisation que les hommes, elles fuient et se cachent pour se protéger, elles sont moins visibles et n’ont parfois pas de signes extérieurs de pauvreté. »  Pour ces femmes, la rue présente des dangers supplémentaires : violences diverses et notamment le risque de viol, qui reste un sujet tabou, et certaines femmes se masculinisent pour se protéger des agressions.

 

Les missions de Femmes SDF

Au début de l’association, l’objectif principal était de mettre en exergue la vie de ces femmes SDF et les spécificités de leur vécu, notamment en proposant des pièces de théâtre ou en diffusant des films.  A l’initiative de ces personnes en grande difficulté, l’association a créé en 2004 un local pour les accueillir et les aider, il leur permet de retrouver un rythme de vie et des repères. Ce n’est pas un lieu de distribution, les personnes accueillies peuvent même y manger mais elles participent aussi aux courses et à la préparation du repas de midi, à la vaisselle et au ménage. Il est indispensable de valoriser leurs savoir-faire : de nombreuses femmes cuisinent très bien et peuvent transmettre ce qu’elles savent aux autres. Des balades à la campagne sont aussi programmées ainsi que des sorties culturelles, toutes ces occasions permettent à certaines personnes très isolées de réapprendre à parler et à vivre avec les autres.

 

20140213 Cuisine

 

Accompagnement bienveillant

Il y a bien entendu un suivi des femmes mais l’anonymat est la règle : l’association ne crée aucun dossier sur les personnes accompagnées. « Nous sommes dans la relation avant tout. La personne accueillie n’a pas de fiche à remplir, on se contente du nom qu’elle donne, qui n’est pas forcement le vrai et ça nous suffit… Nous accompagnons ces femmes en errance, nous les orientons mais nous ne faisons pas de suivi social comme pourrait le faire une assistante sociale. »

Cet accueil de jour enregistre la venue de 100 à 130 femmes par an dont la moitié vient pour la première fois. La structure est aussi en relation avec beaucoup de femmes qui ne viennent jamais au local. Ce lieu peut accueillir 15 à 20 personnes simultanément. Certaines viennent une fois au local et ne repassent plus, d’autres restent quelques temps puis quittent la région ou ont accès à un hébergement durable, certaines sont là très régulièrement.

Projets de l’association

Femmes SDF réfléchit depuis 2010 à la mise en œuvre d’un hébergement durable adapté à ces femmes en grande difficulté. Ce projet est ambitieux car le secteur de l’hébergement est très réglementé et nécessite des compétences que l’association n’a pas, notamment la gestion locative et la gestion du bâti. C’est pour cette raison que l’association s’est rapprochée de partenaires comme le Relais Ozanam et l’Oiseau bleu.

Pour les dix ans du local, l’association souhaite mener à bien une réflexion collective qui aura lieu pendant toute cette année et créera aussi une BD traitant de l’errance au féminin. Il y aura des réunions collectives abordant différentes thématiques. Les femmes viendront au local pour participer à ces réunions et à des enregistrements, un projet de document sonore est à l’étude, il devrait être diffusé sous forme d’écoute collective, en radio et aussi sur Internet. Début 2015, tout le travail réalisé cette année sera valorisé et diffusé aux partenaires, aux politiques ainsi qu’au grand public.

Budget de fonctionnement

Cette association fonctionne avec 200 000 euros par an. Les principaux investisseurs publics sont le Conseil général, la Ville de Grenoble, la DDCS, l’Agence Régionale de Santé et la Région Rhône-Alpes. Les principaux investisseurs privés sont La Fondation des petits frères des Pauvres et la Fondation Abbé Pierre. Femmes SDF déplore un manque de moyens en ces temps de crise et recherche de nouveaux investisseurs privés.

Cette initiative est une exception en France, elle a le mérite de mettre en lumière un drame spécifique, les femmes dans la rue, qui n’est toujours pas suffisamment relayé par les médias. Le cheminement est souvent long et difficile avant de gagner la confiance de ces personnes en souffrance. Espérons que tout le travail entrepris par Femmes SDF favorise un changement de nos comportements et une implication plus importante des pouvoirs publics.