Certains se sentent oubliés par la société … et beaucoup le sont réellement. Il apparaît urgent de lutter contre cette forme d’exclusion que l’on connaît en tant qu’invisibilité sociale.
L’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES) définit l’invisibilité sociale dans son nouveau rapport de 2015 [PDF] comme fait que certains n’ont aucune existence au niveau des institutions d’État comme la CPAM, la Caf ou Pôle-Emploi. Ils ne perçoivent donc aucunes des allocations et aucunes aides auxquelles ils pourraient prétendre.
Des entrevues constructives
Déjà dans son rapport de 2014 [PDF], l’ONPES dénonce cette forme d’invisibilité auprès des pouvoirs publics, chiffres à l’appui.
Cette fois, l’ONPES se passe des chiffres et préfère examiner les expériences de lutte contre l’invisibilité sociale menées par un panel d’élus. Représentatif politiquement et géographiquement, il compte trois élus nationaux (deux sénateurs et un député), quatre élus départementaux et sept maires, en plus d’agents sociaux. Selon ces interlocuteurs, il n’existerait que quatre catégories d’invisibles : les jeunes précaires, les migrants, les travailleurs pauvres, et les personnes âgées. Tous lient ces catégories au problème du non-recours (à l’exception des migrants).
Actions à portée locale
La tendance actuelle est à la lutte contre l’invisibilité sociale via d’autres services. Pour les personnes âgées, public fragile et peu mobile, on apprend que les aides au ménage, les concierges, ou les employés qui apportent des repas, par exemple, vérifient aussi l’état des foyers. Ils rapportent aux services sociaux ou à la municipalité leurs observations : ces « invisibles » deviennent alors « connues » et peuvent être pris en charge par la collectivité.
Concernant les jeunes jusqu’à 25 ans, les aides municipales, la cantine et l’école renseignent les institutions sociales sur les situations familiales qu’impliquent certains comportements (absentéisme, récupération de nourriture à la cantine). Les travailleurs pauvres ou les précaires qui n’osent pas demander à faire valoir leurs droits peuvent alors être repérés et incités à bénéficier d’une aide sociale. Ce non-recours peut être motivé par la honte d’être perçu comme « assistés », ou par un manque d’information sur le sujet. Cependant l’enjeu reste autant social qu’économique pour le panel.
Critique raisonnée
L’ONPES émet cependant des réserves : les intervenants classent les invisibles sociaux dans de grandes catégories qui ne reflètent pas une réalité plus complexe. L’ONPES mentionne les « invisibles sociaux oubliés », comme les personnes récemment sorties de prison sans logement ni ressources, les migrants, ou les jeunes en famille d’accueil qui, à 18 ans, sont « lâchés dans la nature ». La plupart d’entre eux ne sont pas dans le non-recours, car ils n’ont droit qu’à peu voire aucune aide et redoutent de tomber dans l’illégalité. Les migrants, eux, craignent les services d’immigration.
L’ONPES regrette les tendances électoralistes d’une partie des élus pour laquelle la question sociale ne serait pas porteuse politiquement. Espérons que le débat sur ce réel problème attire le regard du public, et que des solutions durables à ce problème soient apportées.