La force de frappe : un modèle éducatif ?

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la ville d’Echirolles et la maison de l’égalité femmes-hommes ont organisé un débat à La Butte intitulé « Normes de virilité, enjeux de mixité : comprendre et agir ».

 

Les sanctions au collège : des « rites de virilité »

Sylvie Ayral, chercheure et auteure de « La fabrique des filles et des garçons », est venue exposer les résultats d’une recherche menée dans 5 collèges bordelais aux profils très différents.

Cette étude est initiée par un constat national : l’échec scolaire est massivement masculin (75% des élèves « décrocheurs » et 80 à 90% des élèves passés devant un conseil de discipline sont des garçons).

Sylvie Ayral a choisi de s’intéresser aux sanctions dans 5 établissements pour arriver à un chiffre assez dérangeant : 80% des élèves punis sont des garçons. Des questions se posent alors : les garçons sont-ils par nature plus turbulents que les filles ? Sanctionne-t-on plus facilement les garçons ? La sanction change-t-elle vraiment les comportements ? Existe-t-il des sanctions « éducatives » ? Quelles sont les différences de comportement garçon/fille ?

Sylvie Ayral a dans un premier temps interrogé ceux qui punissent. La majorité des réponses évite le problème. Les réponses type sont : « les garçons sont turbulents à cause de leurs hormones », « ce chiffre n’est pas valable dans notre établissement » et « le chiffre n’est pas juste, c’est simplement que les filles sont plus malignes, elles ne se font pas prendre ». Par contre, lorsqu’on interroge ceux qui sont punis les réponses sont tout autre : ils parlent d’adrénaline, de plaisir à aller contre ce qu’on leur demande, de courage, de fierté d’être « un rebelle », « quand on est puni, on montre qu’on n’est pas une fille, qu’on n’a pas peur », etc. Certaines filles montrent également de l’estime pour les garçons punis car « ils osent », la sanction peut amener à une forme de séduction.

Le collège correspond à la période de la puberté, c’est là que les rapports se sexualisent : les positions masculines et féminines se construisent et se différencient. C’est pourquoi il faut faire attention au sens des punitions : elles activent des stéréotypes de genre. Ainsi l’homme doit être fort, courageux, téméraire et la femme sensible, calme et disciplinée.

En conclusion, Sylvie Ayral définit la sanction comme un « rite de virilité ». La sanction permet de différencier socialement les sexes, de conformer les garçons et les filles à des normes de virilité/féminité, c’est aussi un rite de passage vers l’âge adulte par la confrontation avec la hiérarchie.

La construction de la violence masculine dans les loisirs

Pour compléter cette conférence, Yves Raibaud, maître de conférences à l’université de Bordeaux, est intervenu sur le thème de la violence masculine. Les délits et les meurtres sont très majoritairement commis par des hommes. Il ne s’agit pas d’expliquer la violence par l’ethnicité, la position sociale, la culture ou la psychanalyse. L’hypothèse posée est la suivante : « et si la violence masculine se construisait ici et maintenant, et notamment dans les loisirs ? » L’étude des loisirs montre une hégémonie du sport masculin. Par exemple, très peu de compétitions « femme » sont diffusées dans les médias. De même, quand on regarde le budget de l’Etat et des communes, les hommes sont beaucoup plus favorisés que les femmes. On construit plus facilement un stade de football qu’une salle de danse. Il n’y a pas de « nature masculine » mais les comportements résultent d’une construction sociale. On oriente le plus souvent les garçons vers des sports où les notions de force et de combat sont importantes. De même, les propos sexistes couvrent les unes des magazines sportifs et peuvent donner un mauvais exemple aux jeunes.

Yves Raibaud préconise de ce fait plusieurs actions dont promouvoir une mixité active dans l’éducation et l’animation socioculturelle fondée sur l’interchangeabilité des rôles homme/femme plutôt que sur leur complémentarité et évaluer les politiques publiques à partir de la variable sexe/genre pour une plus grande égalité.

La violence est une construction sociale

La violence masculine n’est pas un fait biologique, hormonal, génétique ou psychiatrique. Elle se construit et se reproduit dans les instances sociales telles que l’école et dans les pratiques notamment les loisirs. Les représentations des hommes et des femmes doivent évoluer. Le programme « ABCD de l’égalité » pour corriger les inégalités dès le plus jeune âge sera expérimenté dès la rentrée prochaine. Espérons que ce programme plébiscité par le Ministère de l’Education et le Ministère des Droits des femmes amènera à un changement progressif des normes sexuées.

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