Le CD, un accident industriel

Depuis une petite dizaine d’années, on nous rabâche les oreilles avec la fameuse crise du disque. Certes, les ventes de CD continuent encore et toujours de chuter. Mais est-ce vraiment un problème ?

Le roi CD est mort. Vive le vinyle. Le règne tyrannique et sans partage de cet objet métallique est au crépuscule de sa gloire passée. Si la numérisation de la musique est la révolution fatidique qui a fait vaciller le trône du compact disque, le vinyle, dans un panache revanchard, a conduit le CD sur l’échafaud et l’a guillotiné. Puis sa tête a par la suite roulé jusqu’aux pieds des oligarques de l’ancien régime, Pascal Nègre (patron d’Universal Music France, ndlr) la ramassant et la fixant du regard, dans une incrédulité fallacieuse. Car la voilà la principale raison de la crise du disque : les dirigeants des majors (les grandes maisons de disques) n’ont en effet rien vu venir des changements technologiques du XXIe siècle. Avec une rapidité d’adaptation proche du brontosaure, ils ont mis des années à intégrer le concept de mp3.

Et, non contents de ne rien comprendre, ils ont en outre largement insulté les internautes (c’est-à-dire ni plus ni moins les consommateurs) en les traitant de pirates, parce que ces derniers téléchargeaient de « façon illégale » (sic), en prônant des outils de répression, grotesques et obsolètes (comme Hadopi).

Certes, les maisons de disques ont vu perdre près des deux tiers de leur chiffre d’affaires en dix ans : de 1,3 milliard d’euros en 2002, on est passé à 554 millions en 2010 (Le Monde, 15 avril 2011). Mais, là où n’importe quel secteur économique se serait interrogé sur la chute vertigineuse de ses bénéfices et se serait par conséquent remis en cause en tentant d’améliorer la qualité de ses produits, l’industrie du disque n’a elle cessé de geindre, de pleurer, de quémander tout en inondant les bacs de chanteurs issus de la télé-réalité, aux dépens d’une diversité certaine dans l’offre. Alors, comme souvent, ce sont les consommateurs qui ont montré, par leur comportement, la voie à suivre à ces marchands du temple. Depuis quelques années, parallèlement à la généralisation du téléchargement de fichiers mp3, s’est dessinée une tendance qui s’inscrit dans la durée : l’augmentation exponentielle des ventes de vinyles.

Promis à une mort certaine au début des années quatre-vingt-dix, il est revenu des limbes musicales et le vinyle est devenu, d’une certaine façon, l’avenir de l’industrie du disque. Ceci pour une raison évidente, celle de la valeur de l’objet. C’est bien simple, tout est mieux dans le vinyle, de la pochette (l’illustration, d’un plus grand format, prend tout son sens) à la qualité originelle du son (le son d’un vinyle est beaucoup plus chaleureux et authentique que celui d’un CD).

Signe des temps, le Record Store Day (littéralement « le jour du magasin de disques ») a été pour la première fois cette année organisé en France, sous le nom de Disquaire Day. Importé des Etats-Unis (forcément), cette journée (généralement le troisième dimanche du mois d’avril) est l’occasion pour les disquaires indépendants de proposer des éditions à tirage limité de raretés et d’inédits, à des prix nettement abordables. Ou comment attirer de nouveau le public d’une manière intelligente et adulte.