Les jeunes Grenoblois et le non-recours

Chaque année, le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Grenoble publie un rapport afin de mieux cerner la population locale. En 2012, cette analyse a concerné spécifiquement les jeunes grenoblois. En effet, un tiers de la population grenobloise a entre 15 et 29 ans, ce qui représente 50 000 habitants. Quelle est la situation de ces jeunes ? Quelles sont leurs attentes vis-à-vis des structures sociales ? Certains jeunes peuvent avoir des difficultés et ne pas avoir recours aux différentes aides possibles, pourquoi ?

Une précarité croissante chez les jeunes

« Au niveau national, les 18-29 ans représentent 24% des français qui sont à la fois sous le seuil de pauvreté monétaire, qui déclarent des privations matérielles sévères (capacité à chauffer son logement, à s’alimenter correctement…) et qui ont une très faible intensité de travail ».

Les jeunes font partie des personnes qui ont les plus faibles ressources et qui sont les plus touchés par le chômage, l’instabilité professionnelle et les difficultés actuelles sur le marché de l’emploi. A Grenoble, le taux de chômage est de 9% mais si on ne prend en compte que les 15-29 ans, il atteint 17%. La ville compte aussi de nombreux étudiants et leur précarité augmente à cause du prix des loyers, des contrats de travail précaires et des difficultés que rencontrent leurs parents. Il existe évidemment une grande variété de situations chez les jeunes mais l’augmentation du taux de chômage chez les moins de 25 ans est un phénomène qui touche l’ensemble de l’Union européenne. Celui-ci est actuellement de 55,7% en Espagne, de 21,1% au Royaume-Uni et de 26,2% en France.

Les jeunes invisibles

La précarité des jeunes n’est cependant pas simple à évaluer car de nombreux jeunes n’ont pas recours aux dispositifs existants (Pôle Emploi, Mission locale, Caf, CCAS…) et sans aides sociales, ils sont susceptibles de sombrer dans une pauvreté chronique. Il est donc nécessaire de comprendre les motifs de cette invisibilité pour y remédier de manière efficace.

C’est dans ce but que quinze acteurs de dispositifs sociaux ont été interrogés lors de l’enquête du CCAS. Six explications de l’invisibilité de certains jeunes ont été ainsi dégagées : la possibilité d’être « captif » au sein de la cellule familiale (c’est surtout le cas de jeunes filles de quartiers sensibles), l’idée d’auto-exclusion par mal-être social, l’invisibilité volontaire liée au recours à l’économie souterraine et aux divers trafics, l’autonomie ou « débrouillardise » qui mène au non-recours volontaire, le non-recours motivé par l’absence de dispositifs adaptés au public des jeunes et/ou de proximité et l’abandon au recours après une ou plusieurs tentatives infructueuses.

Les facteurs sont aussi bien individuels qu’institutionnels. De plus, ce n’est pas parce que ces jeunes sont invisibles qu’ils sont nécessairement en situation de précarité, certains s’en sortent très bien sans les aides institutionnelles, par débrouillardise ou par des aides informelles.

Les raisons de l’abandon ou du non-recours

L’enquête du CCAS s’est également penchée sur les raisons qui mènent un jeune à ne pas aller solliciter d’aide auprès des institutions ou à ne pas y revenir à travers des questionnaires distribués directement aux jeunes.

Le besoin prioritaire des jeunes est l’emploi, c’est ce qui conditionne l’ensemble des projets personnels (logement, enfant…). Face à ce besoin, 45% des jeunes font appel à une structure institutionnelle, 11% à leur entourage et 44% ne sollicitent l’aide de personne. Pour ces derniers, lorsqu’on les interroge sur ce qui fait qu’ils ne font pas appel aux dispositifs d’aide, les réponses sont à 36% « je n’en connais pas », à 18% « ce n’est pas ma priorité » et à 14% « je préfère me débrouiller seul ». La raison essentielle serait donc le manque d’informations sur les structures et les aides possibles. Pour ceux qui ont sollicité de l’aide et qui ensuite abandonnent les démarches, ils remettent en cause l’efficacité des aides : soit les réponses n’ont pas été satisfaisantes, soit l’attente de réponses efficaces est trop longue.

La situation des jeunes grenoblois est préoccupante à cause de la précarité grandissante pour certains d’entre eux et du chômage important pour cette classe d’âge. Cependant la jeunesse grenobloise n’est pas uniforme et même si certains peuvent ne pas être visibles dans l’espace public et ne pas recourrir aux aides sociales, beaucoup s’en sortent seuls. Il est maintenant nécessaire de favoriser l’information et l’accompagnement de proximité pour les jeunes dont le non-recours n’est pas volontaire mais subi pour qu’ils ne tombent pas dans la spirale de l’isolement et de la pauvreté.

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