Les travailleurs pairs, un soutien complémentaire pour les personnes en difficulté

Le travail pair est une approche d’accompagnement social et médico-social qui s’appuie sur l’expertise du vécu de la personne accompagnante (vie à la rue, précarité, discrimination, handicap, conduite addictive, troubles psychiatriques, etc.). Cette expertise permet au travailleur pair de tirer des leçons de son vécu personnel et de les mettre à profit pour aider des personnes qui traversent une situation similaire. Elle se fonde sur une compréhension des mécanismes du rétablissement (mieux-être, stabilisation de la situation) et sur la capacité à transmettre aux autres des savoirs et des habiletés sociales (savoirs techniques, connaissance des procédures institutionnelles, etc.).

Ainsi dans cette volonté de « guérir » à celle de « prendre soin », le travail pair favorise la prise en considération et le pouvoir d’agir des personnes accompagnées pour co-construire avec elles les conditions de leur autonomie.

Le travail pair favorise aussi le dialogue et la collaboration !

« La place du travailleur pair est en constante évolution, car elle favorise le dialogue et la collaboration entre les personnes accompagnées et les professionnels qui nous sollicitent. Le travailleur pair est un collègue, membre de l’équipe à part entière qui apporte un autre regard et permet souvent de faire un pas de côté dans les pratiques grâce à son expertise unique, celle de l’expérience vécue. Il peut ainsi apporter un soutien, des compétences et une écoute qui sont souvent plus proches de la réalité des personnes accompagnées. Au quotidien, cette façon d’appréhender le travail ensemble vient bousculer les pratiques du travail social. » nous confie Violette Douillet, chargée de mission pour la plateforme de « Promotion et développement du travail pair”.

Une approche efficace et inclusive

  • Un meilleur accompagnement : les travailleurs pairs sont en mesure de comprendre et de répondre aux besoins des personnes accompagnées de manière plus empathique.
  • Une notion d’horizontalité : il s’agit d’une relation de partenariat et d’égalité entre les pairs et les professionnels. Elle se caractérise par le respect mutuel de l’expertise (savoir-faire de chacun, collaboration de confiance et reconnaissance de l’expérience comme source de compétence).
  • Une meilleure prise en compte des envies de la personne pour une co-construction de la réponse.
  • Une meilleure cohésion sociale : en effet, les travailleurs pairs créent des liens avec et entre les personnes accompagnées, ce qui peut contribuer à réduire l’isolement et la stigmatisation. De plus, le travail pair peut aider les personnes accompagnées à développer des compétences et des connaissances qui peuvent leur être utiles dans leur vie personnelle et professionnelle.

En Isère, la plateforme de promotion et de développement du travail-pair est portée par le Groupement des possibles. Cette association d’associations regroupe L’Oiseau Bleu et Le Relais Ozanam, deux structures historiques à l’approche militante contre la précarité et l’exclusion, et également Cycles & Go, un chantier d’insertion et Cultures du Cœur 38, une association de médiation culturelle. Quatre structures qui se sont regroupées autour de convictions et d’une vision commune de l’accompagnement social.

« L’objectif du Groupement des possibles vise à offrir une réponse la plus large possible aux personnes en situation de précarité et d’exclusion, via des services et des activités dans différents domaines, tels que l’hébergement, l’insertion, la santé, l’éducation, la parentalité et la culture », explique la chargée de mission pour la plateforme de « Promotion et développement du travail pair”.

Un espace ressource : la plateforme de promotion et de développement du travail pair

En 2015, la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) a lancé un appel à projets pour soutenir la mise en place de dispositifs de pair-aidance dans le champ de l’hébergement et de l’accès au logement. Cet appel à projets était l’un des premiers du genre en France et visait à soutenir le développement d’un nouveau modèle d’accompagnement des personnes sans domicile ou mal logées.

À Grenoble et à Lyon, un ensemble de structures du secteur de l’Accueil, hébergement, insertion (AHI) se sont ainsi regroupées pour répondre à cet appel à projet, avec l’idée de développer et de promouvoir le travail pair en mettant en commun la réflexion et les expérimentations.

Résultat, la Plateforme de promotion et de développement du travail pair, est née en 2015 en Isère pour recenser les initiatives autour de la pair-aidance, pour informer et former les partenaires et acteurs locaux, ou encore soutenir l’organisation collective des pairs. Elle permet aux structures qui veulent accueillir un travailleur pair de réfléchir à l’adoption d’une approche horizontale de l’accompagnement dans l’idée de mieux cerner les besoins, d’affiner le rôle du travailleur pair et de valoriser son intervention (sensibilisation et formation des professionnels aux compétences nécessaires pour travailler avec des travailleurs pairs).

Créer les conditions propices pour le travail pair

« Nous accompagnons les structures qui nous sollicitent à créer en amont de l’embauche un environnement et des conditions de travail propices aux travailleurs pairs. Nous accompagnons l’équipe, nous sensibilisons et nous cherchons à savoir si la structure est prête à accueillir un travail pair, confirme Violette Douillet. Le rôle de la plateforme est de se positionner comme une personne tierce qui facilite la réflexion au sein de l’équipe. Nous invitons à communiquer sur les représentations, les craintes à embaucher un travailleur pair, la motivation à embaucher un travailleur pair, dans quel but ? Pour quelles missions ? Nous pouvons également participer à la rédaction de la fiche de poste, au recrutement et à la prise de poste. Notre rôle n’est pas de résoudre les conflits de la structure qui nous sollicite, mais bel et bien de l’accompagner dans sa réflexion. »

Lorsque la temporalité de la sollicitation le permet, la plateforme propose un accompagnement individuel en vue de préparer l’embauche. Pour ce faire, elle s’appuie à la fois sur des outils de référence tels que le guide “Développer le travail pair” produit en partie par la plateforme, la DIHAL et la FAS, ainsi que sur des outils et des approches qui leurs sont propres, avec le souci de coller au mieux aux besoins et aux spécificités propres aux dispositifs et aux équipes accompagnées. C’est un véritable « travail sur mesure ».

« Intégrer un travailleur pair est un projet qui réclame et qui nécessite un travail préalable : soit une définition claire de ses missions, une bonne compréhension des enjeux et des besoins, ainsi que l’adhésion et la participation de chacun. »

La formation, un sujet épineux

« Ce ne sont pas les diplômes qui intéressent, mais le vécu personnel, l’approche empathique, la bienveillance et la capacité à savoir orienter vers les lieux ressources. Mais il arrive parfois que certaines structures aient des demandes spécifiques, comme des connaissances médicales ou de l’aisance à l’écriture par exemple. Mais le travail pair n’est pas une profession standardisée, avec un cursus scolaire ou un code Rome et c’est ce qui fait la richesse de ce profil professionnel atypique. », explique la chargée de mission du Groupement des possibles.

Sur le chapitre de la formation, si certains travailleurs pairs considèrent qu’elle est un moyen de se professionnaliser pour acquérir de nouvelles connaissances ou pour être reconnus comme des pairs compétents, d’autres craignent que la formation ne déforme les regards et les pratiques au profit d’une normalisation de leur posture. Pour la Plateforme cette question de formation est centrale, voire épineuse, et tend à s’imposer notamment dans le champ de la santé mentale. « Au sein de la plateforme, nous revendiquons le fait que la formation ne doit pas être un prérequis à l’embauche. Les personnes ont leur « diplôme de la vie », ce pour quoi elles sont embauchées. Cependant, une formation spécifique et adaptée peut être nécessaire pour favoriser une meilleure prise de poste des pairs et doit être discutée entre la structure et le travailleur pair. Il faut être à l’écoute des envies et des besoins exprimés afin de réfléchir à la manière d’y répondre le mieux possible. » détaille Violette Douillet.

« Néanmoins, il existe des formations types du travail social pour celles et ceux qui souhaitent avoir un diplôme de travailleur social, comme celles proposées par Ocellia (école des métiers Santé-Social) à Grenoble, Lyon et Valence. Il existe également des formations spécifiques, telles que le diplôme universitaire de la pair-aidance professionnelle en psychiatrie et santé mentale proposée par l’UGA Grenoble ou à Lyon. »

Quant à la reconnaissance du travail pair, la Plateforme communique et fait de la sensibilisation auprès du plus grand nombre (employeurs, pouvoirs publics, grand public) pour faire connaître le travail pair et le travail de la plateforme sur le sujet.

L’accompagnement par les pairs, une solution de plus en plus recherchée

« Depuis 2015 la demande d’accompagnement augmente et s’étend à toute la région Auvergne-Rhône-Alpes (Isère, Rhône, Drôme, la Haute Savoie, l’Ardèche, la Loire, la Haute-Loire, le Puy de Dôme, etc.)», précise Violette Douillet,

Selon le rapport d’activité 2022 du Groupement des Possibles, au 31 décembre 2022 la Plateforme comptait 1 020 travailleurs pairs en France, répartis dans 150 structures partenaires et 60 départements (soit 12% pour la région Auvergne Rhône-Alpes). Des travailleurs pairs qui seraient intervenus dans les domaines de la santé mentale, du handicap, de la précarité, de la violence, etc.

Pour en savoir plus : La plateforme du Groupement des Possibles

Ainsi l’intervention des travailleurs pairs est prépondérante dans l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité. Elle a fait ses preuves dans de nombreux pays, dont la France. Elle est aussi reconnue comme un outil efficace pour réduire la stigmatisation et l’isolement des personnes fragiles et pour favoriser leur rétablissement et leur inclusion sociale.