Pierre Péju — L’État du ciel

Au sein d’une rentrée littéraire foisonnante et parmi de nombreuses autres parutions remarquées, Gallimard publie dans sa collection blanche L’État du ciel, le dernier roman de Pierre Péju, un romancier que Grenoble connaît bien.

Le Ciel dans tous ses états

Au ciel, rien ne va plus. Les anges eux-mêmes s’interrogent sur la santé de Dieu, qui a peut-être simplement cessé d’exister, ce qui n’est pas pour rendre leur tâche facile. L’un d’eux se prend pourtant d’intérêt pour le couple atypique que forment, sur terre, Nora et Mathias.

Elle, peintre de grand talent, semble vivre dans le dégoût et le renoncement depuis que son fils est mort, à l’âge de vingt ans, dans des circonstances troubles et violentes. Lui, médecin spécialisé dans l’obstétrique, trouve dans l’urgence humanitaire une fuite salvatrice et désire repartir dans un pays en crise, n’importe lequel, pour fuir cette femme et cette union qui, toutes deux, ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes.

Le tableau est bien sombre, mais l’apparition dans leur vie de Raphaël, personnage sans passé surgi d’un étrange néant, sera le point de départ d’un changement radical au sein de leurs existences, comme si le destin choisissait de changer de route et de leur offrir ce qui semble être une seconde chance. Mais les miracles, comme les vœux, peuvent aussi avoir leurs effets pervers…

Sur la Terre comme au Ciel

Ce ciel dont nous parle Péju, c’est tout autant la mythologie grecque que judéo-chrétienne, les dieux de l’Olympe que le Dieu ultime, évoqués ici à travers l’absence ou la disparition, comme si les êtres immortels pouvaient eux aussi cesser d’exister, ou finir par s’humaniser. Une représentation bien mélancolique de l’éternité, où la poésie prend le pas sur la métaphysique.

On regrettera peut-être que l’auteur n’ait pas plus mis en avant cette dimension au sein de son roman, les aventures de son ange et de ses deux personnages principaux n’ayant pas toujours la consistance, voire la crédibilité, suffisante pour passionner le lecteur, et sonnant presque faux par moments, notamment au sein de dialogues trop théâtraux pour convaincre.

Si la dernière partie de L’État du ciel relance volontiers l’intrigue, déplaçant son histoire dans les îles grecques, sur les traces des légendes qui peuplent le berceau de l’Europe, elle demeure toutefois trop courte, trop peu développée, pour réellement charmer. La poésie sous-jacente de ses lignes ne parvient jamais à gagner la surface.

Peut-être le style de Péju y est-il pour quelque chose, dont les lentes emphases, que certains risquent de trouver ampoulées, a de quoi rebuter. Contemplatif, le narrateur semble plus s’attarder sur sa propre contemplation que sur l’objet qu’il contemple, tel un Narcisse s’admirant admirer.

A cette langueur stylistique et narrative, d’aucuns trouveront sans doute de la beauté de la sensualité, mais d’autres risquent surtout d’en retirer beaucoup d’ennui. A chacun, naturellement, de se faire son opinion.


L’État du ciel

de Pierre Péju
Éditions Gallimard
274 pages, 18,50€