SOLENI : le triple enjeu de l’énergétique, de l’économique et de l’écologique

SOLENI est une initiative originale, rattachée au Groupe Economique Solidaire Ulisse, qui trouve sa force dans la synergie de trois objectifs : l’insertion économique, la précarité énergétique, et le dérèglement climatique. Comment ? En entreprenant de recruter des conseillers en économie énergétique, qui eux proposent à des familles en précarité énergétique un diagnostic et un programme économique de consommation d’énergie, qui lui est compatible avec les exigences du développement durable. La convergence de ces trois axes définit le principe de SOLENI. L’enjeu pour SOLENI est donc fondamentalement généreux : il s’agit de venir en aide aux personnes exclues du monde du travail, aux ménages en précarité énergétique dans leurs logements, et d’envisager une réponse aux problèmes écologiques d’aujourd’hui.

Un triple principe

Jean-Jérôme Calvier (sur la photo), Directeur Général Adjoint d’Ulisse commente : « Quand le projet a muri dans ma tête, c’était réellement le fait de se dire : on doit, si l’on veut faire face aux enjeux de la transition énergétique, montrer qu’on peut effectivement maîtriser nos consommations d’énergies dans le logement, puisque le bâtiment représente le premier poste de consommation en France. On produit de l’énergie en France à 42% pour le logement, et à 70% pour le chauffage. Si on veut faire face aux enjeux du réchauffement climatique il faut s’attacher à une certaine forme de sobriété en termes énergétiques dans le logement. C’est pour ça qu’on installe des systèmes, c’est pour ça qu’on évalue avec les personnes la qualité et le type d’équipement éléctrique, notamment éléctro-ménager, qu’elles ont à leur domicile. L’idée était d’agir sur le secteur qui consomme le plus d’énergie, c’est à dire le bâtiment résidentiel, donc le logement, mais la deuxième idée c’était de se dire en priorité : on va accompagner des familles qui aujourd’hui ont des gros problèmes de confort, à cause d’une mauvaise qualité thermique et à cause d’une situation économique complexe (que ce soit leur propre situation mais aussi le prix de l’énergie qui va monter d’année en année). Ces personnes là sont aujourd’hui dans l’incapacité de payer leurs factures, c’est pourquoi l’idée c’est d’essayer d’accompagner de manière personnalisée à domicile ces personnes là. Et puis le troisième volet, c’était de se dire que vu le potentiel  (au moins 4 millions de ménages en précarité énergétique en France, 60 000 en Isère), c’est un levier formidable aussi en terme de création d’emplois. Du coup c’est intéressant de se dire que ces métiers, avec une formation consolidée, de conseillers et de visiteurs à domicile, avec des compétences de savoir-être et savoir-faire, qu’on peut trouver chez les personnes éligibles à l’insertion, [on se dit] que l’on doit pouvoir créer une structure d’insertion qui soit spécialisée dans le recrutement, l’accompagnement et la formation de salariés en parcours d’insertions. ».

Une structure en réseau

Comment fonctionne SOLENI ? D’abord comme une branche d’Ulisse, qui est un groupe économique solidaire grenoblois, qui réunit différentes associations sous le titre de l’aide au retour ou accès à l’emploi. C’est lors d’une rencontre, en 2009, entre Laurent Pinet (le Directeur Général d’Ulisse) et Jean-Jérôme Calvier, que l’idée de SOLENI émerge : une étude est faite, en 2010, pour estimer son coût, puis les responsables d’Ulisse parviennent à trouver des financements (européens,  réseaux de financements de type France Active, ou encore venant de l’économie sociale et solidaire). Le but était alors de trouver des clients : les ménages bien sûr, mais aussi des partenaires comme les fournisseurs d’énergie, les collectivités locales, les bailleurs sociaux. Jean-Jérôme Calvier explique : « Aujourd’hui SOLENI c’est une prestation, c’est un service qui est proposé à ces entités pour répondre aux besoins, soit de leurs clients en situation d’endettement, soit à des usagers des centres sociaux qui sollicitent un certain nombres d’aides pour les aider à payer leurs charges, soit les bailleurs sociaux pour accompagner des locataires qui sont en situation soit de fragilité soit d’endettement. ». Un système complexe, qui se construit comme une toile, avec des partenaires qui financent le service, les fournisseurs d’énergies et les collectivités locales (CCS, Conseil Général…), des acteurs comme les bailleurs sociaux, qui constituent une « plateforme précarité énergétique », à laquelle participent encore, entre autres, la Régie des Eaux, la Compagnie de Chauffage, ou encore la CAF, lesquels orientent les ménages en précarité énergétique vers SOLENI. Jean-Jérôme Calvier  précise : « La personne peut nous appeler, elle est directement en lien avec une conseillère en économie sociale et familliale du CCAS, une juriste de l’ADIL, et en fonction des problématiques et du diagnostic qui est fait, la personne peut être orientée, et en majorité les personnes sont orientées vers des visites à domicile effectuées par SOLENI. ».

SOLENI fonctionne donc certes comme un réseau à dimension locale, mais s’étend aussi vers le national. « SOLENI fait partie fait partie du réseau ‘Rappel’, le réseau des acteurs de lutte contre la pauvreté et la précarité énergétique dans le logement, c’est un réseau national qui a été fondé par l’ADEM et la Fondation Abbé Pierre, dans lequel on échange beaucoup de bonnes pratiques sur différents dispositifs contre la précarité énergétique. ». Jean-Jérôme Calvier poursuit : « On a envie d’essaimer le service SOLENI et de montrer que ce qu’on développe sur Grenoble et sur l’agglomération de Grenoble, on peut demain le développer avec d’autres structures d’insertions. ». Le projet SOLENI peut donc être considéré comme un projet pilote, si il est vrai qu’il montre que l’on peut remédier aux surconsommations d’énergies, et qu’il serait possible, à l’échelon national, de prendre en charge le problème en créant de surcroit de l’emploi, en plus des économies financières collatérales.    

Un service simple et efficace

Economiser l’énergie, oui, mais comment ? Le principe fondamental est d’évaluer la consommation énergétique d’un foyer, ou d’un ménage. Pour ce faire il faut maîtriser des techniques d’évaluation, il faut donc des « conseillers énergie » qui sont à même de faire les mesures, et la première prestation de SOLENI est de former ces conseillers énergies (qui sont donc en parcours d’insertion professionnelle au sein d’Ulisse, et c’est le volet emploi du dispositif). Lors de leur formation ceux-ci sont initiés aussi bien aux connaissances requises par l’estimation du coût énergétique d’un foyer, qu’aux fondamentaux de la communication, essentiels pour établir une relation de confiance avec leurs interlocuteurs.

Ces conseillers travaillent alors en binôme, et procèdent à une première visite : états des lieux et mesures de la consommation d’eau, d’éléctricité, de gaz. Grâce à des mesures très précises, les conseillers sont alors capables de dire très exactement à chaque foyer combien leur coûtent les dépenses d’eau, d’électricité, etc. C’est la première étape. Lors de la seconde visiste, les conseillers proposent des conseils personnalisés, simples, par lesquels ils proposent aux foyers des modifications de leur système énergétique, par exemple installer des lampes basses consommation, des réducteur de débit pour la douche, etc. Ils peuvent aussi réaliser des travaux de confort thermique : calfeutrage de fenêtres, coupe-froid sous la porte. Et il faut savoir que ça marche ! En chauffage, par exemple, sur un an, un foyer peut économiser 98 euros, 49 euros en eau chaude, 24 euros en éléctricité, et encore 109 euros en eau froide, c’est à dire, pour un ménage, 300 euros environ d’économie. Ce qui n’est pas négligeable. Et qui montre, en tout cas, que l’on peut faire attention à nos dépenses énergétiques : si l’exemple était universellement suivi l’ambition écologique que poursuit SOLENI pourrait porter ses fruits.