Le « non-recours » : quand on renonce à ses droits

Trop de personnes renoncent encore à demander les aides auxquelles elles ont droit. Le non-recours était au cœur du colloque, organisé par Odénore les 28 et 29 novembre. Un débat public clôturait ces journées.

Intitulé « Agir contre le non-recours sur les territoires », le débat public, qui s’est déroulé le 29 novembre à l’auditorium du Musée de Grenoble, a surtout contribué à comprendre le périmètre d’intervention du non-recours et les difficultés auxquelles se confrontent les dispositifs mis en place.

 

5 milliards d’euros qui ne sont pas réclamés par les allocataires du RSA

Daniel Verger, responsable de plaidoyer au Secours Catholique, à posé d’emblée les termes du débat de fond en parlant de « non accès au droit » plutôt que de « non-recours ». : « Le plus important est de restituer « la logique » de base et de repositionner les bénéficiaires à ce qu’ils sont : des personnes ayant des droits garantis par l’État. Il ne reste que la mise en place des conditions pour les faire respecter, comme celle d’accéder à une domiciliation, pourtant rarement atteinte. Chaque année, le rapport sur la pauvreté du Secours Catholique constate la dégradation des situations : d’après les derniers chiffres, 40% des ayants-droits au RSA ne le perçoivent pas  (un bond de 2 % par rapport à l’année dernière). Et sept roms sur dix n’ont pas accès à leurs « premiers » droits, à savoir la  domiciliation et la scolarisation… Alors même qu’ils sont citoyens européens. »

 

Numérisation des démarches, complexité et stigmatisation

Alors que tous les intervenants ont déploré la quasi-obligation d’accéder à l’outil numérique pour effectuer des démarches administratives, le maire de Grenoble, Eric Piolle, a tenu à souligner son rôle fondamental qui « permet de libérer du temps pour aider les publics qui en ont vraiment besoin« , faisant référence aux postes d’accueil physique, pourtant de plus en plus limités. Certains n’ont pas manqué de rappeler que la dématérialisation des démarches représente surtout un moyen de fermer des guichets d’accès aux droits et ont rebondi sur le constat de relations de plus en plus mauvaises entre les usagers et le services public alors même que l’arsenal juridique est complet.

Tous étaient également d’accord pour dire que les plus grandes difficultés résidaient dans la difficulté d’avoir accès aux bonnes informations, ainsi que dans la complexité grandissante des démarches à mener. La stigmatisation envers ce public a été également évoquée et considérée comme un facteur parasitant les démarches ou la demande d’informations . Eric Piolle n’a pas hésité à parler de glissement sémantique dans les débats de société où l’on préfère utiliser le terme « assistanat » plutôt que « solidarité nationale »

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Des idées fausses sur le coût des prestations sociales

De nombreuses idées fausses persistent en matière d’accès au droit comme l’a démontré à plusieurs reprises Aline Archimbaud, sénatrice de Seine-Saint-Denis (qui a rédigé le rapport « Accès au soin des plus démunis : 40 propositions pour un choc de solidarité » en 2013). Comme celle de croire que « la chasse à la fraude permet de combler le trou de la Sécu« . Et le non-sens de mettre en place des dispositifs de lutte contre la fraude ceux-ci excluant les usagers de façon encore plus poussée alors même que la fraude avérée aux prestations familiales est 140 fois inférieure à la fraude aux cotisations. Le tout reposant sur l’idée que l’accès au droit induit des coûts supplémentaires à la société alors même qu’ils font entièrement partis des budgets nationaux. Ainsi, l’État fait des économies concernant l’attribution de ces droits alors qu’il est dans l’obligation de les garantir : chaque année 5 milliards d’euros ne sont pas versés à des bénéficiaires du RSA, parce que ceux qui pourraient en bénéficier n’en font pas la demande. Le non-recours n’a rien d’un phénomène marginal… Il contribue à précariser davantage. Si les acteurs sociaux et les associations en ont pleinement conscience, un travail énorme reste à faire pour que les services publics et les politiques le prennent en compte et apportent des solutions adéquates. À commencer par un discours autre que celui de la stigmatisation ?