Watertown : quand le héros se veut Marlowe

Philip, le héros de la bande dessinée Watertown de Götting, est un personnage banal et névrosé qui s’est investi d’une mission : découvrir le secret de Maggie … Mais pas avant d’avoir déposé ses congés.

Watertown, Massachussets, au milieu des années 1960 : Philip Whiting n’est qu’un simple employé d’assurances, à la vie banale et tranquille. Mais voilà qu’un jour, Philip dit à Maggie la vendeuse de la boulangerie du quartier : « à demain ». Jusque là, rien d’étonnant, jusqu’à ce qu’elle réponde : « demain, je ne serai plus là ». D’autant plus étrange que le lendemain, M. Clark, le patron de la boulangerie, est retrouvé mort sous une étagère qui se serait décrochée.

Ambiance bretelles, voiture Kaiser et chapeau Fedora

20160122 watertown img1Un meurtre, une femme mystérieuse qui disparaît sans laisser de traces, Philip sent bien que quelque chose cloche. Impossible que tout cela ne soit qu’une coïncidence. De plus, en l’aidant dans son enquête, deux de ses connaissances meurent eux aussi dans des accidents d’une banalité improbable. La police ne faisant rien de son côté, il décide de prendre l’enquête en main et de frapper le pavé à la recherche de réponses.

L’histoire de ce personnage, détective du dimanche déterminé que personne ne croit, est d’autant plus poignante qu’il est du plus grand sérieux dans sa démarche. On retrouve des lieux communs du polar, comme la femme fatale, Maggie, les nuits blanches dans les archives, ou encore le voyage pour recueillir des informations de première fraîcheur. Cependant, l’enquête de Philip ne se fera pas sans embûches. Mais fort de son syndrome du sauveur, il se dit qu’il saura faire la lumière sur ces meurtres camouflés en accident, et pourra ressentir l’excitation d’être ce qu’il n’est pas : un détective.

Une case, un tableau de Götting

20160122 watertown img3Watertown prend son nom de la ville fictive où réside Philip Whiting. En français, la ville s’appellerait « la ville de l’eau ». Comme un cours d’eau, la narration est fluide, et le dessin très évocateur. La puissance de la patte graphique de Götting, mélange entre impressionnisme et pop art, fusain et peinture, donne une atmosphère oscillant entre banal et mystère. Les amateurs de Twin Peaks seront ravis du résultat.

Comme pour ne pas interrompre l’action des illustrations – qui pourraient être des tableaux à elles seules – le gros de la narration se fait sous les bandes. Par cette séparation, Götting nous offre comme une nouvelle graphique noire, entre Agatha Christie et Orson Welles. Loin des scènes d’action intenses que l’on attendrait dans ce registre, le déroulé seul de l’enquête, l’énigme, nous tient en haleine.

Se méfier de l’eau qui dort

Encore une fois, Jean-Claude Götting nous prouve son large éventail de talent. Connu pour ses illustrations et livres pour enfants (édition française de Harry Potter, illustrations dans Le Procès de Kafka) il nous offre ici un polar mature que vous ne pourrez qu’engloutir d’un coup, de la première à la dernière page.

 

20160122 watertown coverWatertown
Jean-Claude Götting

Éditions Casterman
89 pages
18 €