Depuis 11 jours qu’il met un pied devant l’autre, Alain Guézou, bénéficiaire du RSA décidé à atteindre Bruxelles pour parler aux élus européens, a eu le temps de réfléchir. Et de voir du pays. On l’écoute.
C’est avec son élan habituel qu’Alain Guézou nous a livré ce matin le compte rendu de ses derniers jours de marche à l’assaut d’une réflexion plus juste autour de la politique publique du RSA. « On ne doit pas pouvoir dire qu’on vit du RSA, » s’indigne celui pour qui « humain » et « assistanat » est profondément incompatible. « C’est pas normal. (…) Beaucoup de gens qui sont dans la précarité sont tellement fatigués, tellement abattus qu’ils en sont arrivés à se satisfaire du système. »
Avec plusieurs rencontres en milieu rural, notamment avec des maires de petites communes souvent désertées de services, Guézou s’est trouvé confronté à la vraie problématique de la précarité, qu’il connaît bien pour être la cause chez lui de tant d’efforts et de discours. « Ce n’est pas facile pour les précaires de se lever et d’aller chercher du travail. (…) C’est compliqué, on n’est plus habitués. Et je pense que la révolution elle est là. »
La problématique du précaire devient pour lui double à partir du moment où celui-ci doit en plus retrouver la mesure d’agir, le sens et la dignité de son autonomie. Pour lui, tout tient à ce que les élus et les précaires arrivent à travailler en partenariat à condition que cela vienne des envies de ces derniers. « Il faut qu’on prouve qu’on est capables de s’en sortir. Et qu’après l’État apporte des aides compétentes et nécessaires à cette démarche. Et non pas chercher tout le temps à nous enfoncer. »
Les précaires doivent se fédérer et se lever pour prendre en charge leur situation : voilà pour lui la conclusion de ce 11ème jour. Ses rencontres l’ayant décidé sur la route, il compte d’ailleurs se présenter lui-même aux présidentielles. « Il y a 10 % de précaires en France, il faut bien qu’ils soient représentés. Au moins on sera écoutés pendant deux mois. » Comme Coluche qui disait « c’est l’histoire d’un mec », il se balade sur les chemins en constatant qu’il faut créer le symbole d’un bénéficiaire du RSA « qui se bouge ».
La marche d’Alain Guézou lui révèle décidément sa pertinence : peu à peu il se sent reprendre « le goût de la vie » le long de la route, loin de son « quotidien de précaire ». Les encouragements qu’il reçoit au quotidien donnent du sens à sa mobilisation, qu’il rend lui aussi au passage, comme à cet agriculteur souhaitant se mettre au RSA, étonné de l’entendre dire ce mot positif : « le RSA, c’est une chance ! »
Mardi, il a rencontré la cheffe de cabinet du maire de Dijon et ancien ministre du travail François Rebsamen. « On sent qu’il y a une sorte de frémissement sur l’initiative, » conclut-il, « les gens s’interrogent. On sent une question de société qui est en train de se placer. C’est passionnant. »