Agriculteurs en difficulté : rencontre avec une assistante sociale de la Msa de Grenoble

2,7 millions de Français travaillent dans l’agriculture ou l’agroalimentaire et on compte 17 000 nouveaux exploitants agricoles par an. Leur situation n’est pas des plus faciles avec à la fois des problèmes économiques, familiaux, de santé, d’isolement…  Une assistante sociale de la Mutalité sociale agricole (MSA) de Grenoble nous en dit plus sur la situation de cette population souvent mise à l’écart des débats publiques.

La MSA au service du monde agricole

La MSA gère la protection sociale des salariés et non salariés agricoles ainsi que celle de leurs ayants droit et des retraités. Elle prend en charge la médecine du travail et la prévention des risques professionnels, et mène des actions à caractère sanitaire et social. Par exemple, les assistantes sociales de la MSA, en collaboration avec des médecins du travail, rencontrent les salariés qui ont des problèmes de santé liés à l’emploi : accident du travail, maladie ou invalidité. Pour les personnes âgées, elles évaluent les besoins pour le maintien à domicile : aides ménagères et portage de repas notamment. La MSA propose également des aides pour les enfants et les jeunes dépendant du régime agricole.

« Un isolement important »

Les problèmes des agriculteurs et des salariés agricoles sont multiples et se recoupent : « Il n’y a pas que le côté économique qui pose problème. Ce qui fait la difficulté dans l’agriculture, c’est que tout est lié : l’économique, la santé, le côté familial, la précarité, l’habitat, le statut… ».
Un autre problème souvent évoqué est le suicide des agriculteurs. En 2011, un plan gouvernemental a été mis en place par le Ministre de l’Agriculture, Bruno Lemaire. « Je souhaite que nous parlions des suicides dans le monde agricole », avait-il dit, estimant qu’il y avait en France « plus de 400 suicides en moyenne par an parmi les agriculteurs, soit plus de un par jour ». L’assistante sociale de Grenoble confirme ce mal-être et l’explique : « Agriculteur, c’est une profession qui est suicidogène dans la mesure où il y a un isolement important. Avant il y avait une vie rurale et de l’entraide. Il y en a moins aujourd’hui. Il y a aussi le célibat et le fait qu’il ait à côté d’eux des armes de chasse, des cordes dans les hangars et aussi des produits phytosanitaires. »

Grâce au plan gouvernemental, différents dispositifs de prévention ont été mis en place dans les MSA : les salariés de la MSA ont été formés à la détection de la crise suicidaire, une boîte mail permet le signalement et la prise en charge de personnes en situation critique et une Commission se réunit une fois par mois pour aller à la rencontre des personnes les plus fragiles.

« Deux dispositifs d’aide qui fontionnent bien »

L’important pour régler les problèmes multiformes des agriculteurs est la prévention et l’accompagnement. Deux dispositifs existent en Isère : le Sillon dauphinois et le RSA.

Le programme Sillon dauphinois, créé en 2007 et financé par le Fonds social européen, permet l’accompagnement des agriculteurs en difficulté par une assistante sociale et un conseiller de la Chambre d’agriculture. En 2012, les accompagnements ont concerné 428 personnes, dont 228 au RSA. D’abord, un diagnostic économique est réalisé par le conseiller : les points forts et les points faibles de l’exploitation sont établis et l’accompagnement est validé ou non par le comité technique. Peuvent ensuite être mis en place des bilans de santé, un soutien psychologique et/ou un conseil budgétaire. Il existe aussi des accompagnements collectifs où ce sont les partipants qui choisissent les intervenants à raison d’une journée par mois pendant six mois. Les intervenants sont divers : psychologue, travailleur du milieu rural, spécialiste de la gestion des conflits, médiateur…

Le dispositif RSA propose les mêmes prestations mais avec des budgets plus importants pour la formation professionnelle. « Le RSA, ils ne le regrettent pas ! » explique l’assistante sociale de la MSA de Grenoble. « Avoir une entrée d’argent tous les mois, ce n’est pas leur quotidien. Ils gèrent les flux d’argent souvent en fin d’année ou de manière saisonnière. Le RSA est pour eux une bouffée d’air. Ce sont des gens qui dépensent peu mais c’est quand même une rentrée d’argent non négligeable. Et, des fois, ce n’est même pas l’argent qui  compte mais l’accès aux soins grâce à la CMU. J’ai suivi des personnes qui attendaient des soins. C’était vraiment inquiétant et ils ne pouvaient pas se permettre d’aller à l’hôpital sans la CMU.  » De plus, le RSA a évolué ces dernières années : même si les délais sont encore longs, le calcul est plus juste car ce sont les résultats comptables de l’exploitation qui importent et non plus uniquement le forfait agricole. Comme pour tout bénéficiaire du RSA, les agriculteurs ont un suivi, qui est assuré par une assistante sociale, un conseiller de la Chambre d’agriculture ou un référent du Conseil général.

Ces deux dispositifs sont distincts mais ils se rejoignent. Le Sillon dauphinois, programme unique en France, permet un suivi des agriculteurs qui dépassent le plafond du RSA. Les suivre permet la prévention et peut éviter que leur situation s’aggrave. Mais tous les agriculteurs en difficulté ne sont pas suivis !

 » Ils ne veulent pas être des assistés de la société ! »

Les deux dispositifs semblent bien rodés et les personnes bien informées de leur existence. Après la sécheresse de 2003, la cellule technique sécheresse Isère a été créée, des dossiers pour le RMI ont été envoyés aux affiliés de la MSA et le taux de réponse a été très important. Ainsi, la plupart des bénéficiaires ont pu être recensés et suivis, et ensuite basculés dans le dispositif RSA.

Selon l’assistante sociale de la MSA, il existe bien des agriculteurs et des salariés agricoles qui peuvent bénéficier du RSA et qui ne sont pas allocataires mais c’est généralement un choix personnel : « Qu’il y ait 20% de personnes qui ne veulent pas y avoir recours, peut-être. C’est un état d’esprit des agriculteurs de ne pas vouloir être assisté, d’être leur propre chef, leur patron, de dépendre de personne et surtout pas de la société, de l’Etat. Quand le programme Sillon dauphinois a été mis en place, il y a eu des campagnes d’informations et beaucoup de communication. Les gens sont informés. Je pense que le non-recours est un choix personnel. »

Actuellement, il existe de nombreux suivis techniques comme celui des « Jeunes Agriculteurs » et les personnes en difficulté sont rapidement identifiées. Le département de l’Isère est vigilant quant au monde agricole. De nombreux dispositifs existent et la collaboration entre les structures permet une efficacité de terrain.

Certes, quelques agriculteurs ne sont pas accompagnés mais faut-il forcer quelqu’un pour qui l’aide serait un déshonneur ?

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