Cet obscur sujet de désir…

C’est bien de désir dont il était question, le 29 mars dernier, au colloque « Du corps-objet au corps-désir » proposé par l’Institut de Formation des Travailleurs Sociaux (IFTS). Mais pas de n’importe quel désir, celui d’une chair parfois meurtrie, parfois manquante, mais qui n’en de meure pas moins désirante. Une thématique encore taboue, handicap et désir, déclinée à cette occasion par les interventions d’handicapés, sexologues et juristes.

 

 


Bien que notre société soit empreinte de sexualité, la problématique n’est jamais facile à aborder, a fortiori lorsqu’il s’agit de celle d’autrui. Dans le contexte du handicap, la question qui demeure en suspens pour les familles, les structures d’accueil et les handicapés eux-mêmes est : « quelles solutions offrir au désir des personnes en situation de handicap ? »

Considérer une personne handicapée dans sa globalité implique de l’envisager également comme un être désirant et en proie aux désirs. Mais la mise en acte des envies charnelles se heurte à deux types de difficultés. Des barrières liées à la nature même de l’incapacité (physique, sensorielle, mentale ou psychique) avec les contraintes « techniques » engendrées, mais également des obstacles moraux liés à des a priori forts. Dès le premier regard, le handicapé peut être mis face à un « délit d’anormalité » qui en ferait un être interdit de désirs. Dans ce sens, Marcel Nuss, atteint d’amyotrophie spinale (un type de paralysie), rappelle ces propos tenus à son égard dans la rue : « Comment peut-on faire l’amour avec ça ? ». En dépit de ce genre de réactions spontanées de rejet, des solutions techniques et humaines sont proposées pour répondre au plus proche des attentes quant à l’assouvissement du désir.

La technologie vient en aide au corps lorsque celui-ci ne permet pas une relation sexuelle aboutie. Pour les hommes, les suppléances vont de l’utilisation de l’implant pénien au pénis de substitution, en passant par le Viagra. Les femmes, elles, disposent de vibromasseurs et du Viagra (existe aussi pour les femmes). Et pour les deux sexes, des chercheurs étudient un prototype de combinaison pourvue de capteurs stimulant les zones érogènes du corps. Par-delà les technologies existantes, la solution humaine reste la plus recherchée.

Pour ce qui est de l’accompagnement humain, nos voisins suisses font en France de nombreux envieux. En effet, les Helvètes reconnaissent depuis 30 ans la nécessité de la profession d’assistant sexuel. Il s’agit d’hommes et de femmes qui proposent des relations sexuelles ou sensuelles, contre rémunération, de façon adaptée. Ceux-ci exercent en lien direct avec les infrastructures d’accueil et les familles afin que la relation soit la plus épanouissante possible. Toutefois, bien que l’accompagnement sexuel soit une solution, la réponse tant désirée par tous reste la relation amoureuse.

Évoquer la sexualité d’autrui revient à parler de la nôtre et, par jeu de miroir, chacun est ainsi renvoyé à sa vie sentimentale. Et nul besoin d’être handicapé pour avoir une vie sexuelle ou affective pauvre. En France, les réponses apportées au désir des handicapés n’en sont qu’à leurs balbutiements et l’accompagnement sexuel est encore contraint d’emprunter les voies de l’illégalité. Illustration faite par le film « Nationale 7 » de Jean-Pierre Sinappi, dans lequel une auxiliaire de vie accompagne un handicapé moteur pour se rendre auprès d’une prostituée. Mais est-ce bien caché au bord d’une route que l’on peut rencontrer le plaisir ?