Christophe Ferrari : priorité au logement

Après l’abandon par le gouvernement Valls des grandes lignes de la loi Duflot, certains élus ont fait part de leur volonté d’expérimenter l’encadrement des loyers. C’est le cas du président de la Métro, Christophe Ferrari, qui a reçu Le Bon Plan et a expliqué la politique du logement qu’il souhaite mettre en place dans l’agglomération grenobloise. Et si le logement était une priorité ?

La Métro a étendu son champ de compétences dans le domaine du logement. Quelles seront ses conséquences sur la politique menée ?

La politique du logement de la communauté de l’agglomération est, depuis à peu près une dizaine d’année, une priorité en matière budgétaire. La « loi Métropole » nous permettra d’avoir davantage de leviers et de poids sur toute la chaîne du logement. C’est nous qui allons récupérer le contingent préfectoral pour l’attribution de près de 800 logements dans l’agglomération, ce qui est loin d’être négligeable, auxquels s’ajoutent 400 que nous traitons déjà. Nous veillerons à travailler en coordination avec les communes, pour être beaucoup plus efficace. Nous avons une philosophie générale sur le logement. Nous manquons de plus de 25 000 logements dans l’agglomération grenobloise. Le logement est un enjeu majeur, un enjeu de fond. Avoir un domicile, et pouvoir ainsi construire sa vie, c’est un élément de base. Mais avec cela se pose d’abord la question : « comment entrer dans le logement ? ». C’est la question du coût, du loyer, du prix au mètre carré pour l’accession sociale à la propriété.

On voit bien que, sur la mécanique de construction du logement, en lien avec les communes, il y a une première étape, déterminante, qui passe avant toutes les autres : c’est la maîtrise du foncier. Qui maîtrise le foncier peut ensuite construire du logement abordable. C’est ça qui est déterminant. La loi métropole va nous donner un pouvoir, qui est le droit de préemption urbain. Pour maîtriser le foncier les maires disposent aujourd’hui de cet outil. Pour toute vente de terrain nu, la mairie peut dire « nous achetons », et peut donc en fixer le prix. On va donc définir le contour du droit de préemption urbain. Il faut que la puissance publique puisse faire sa politique en matière de logement. Le but, c’est que nous ayons des logements à des prix vraiment abordables pour nos concitoyens et que nous ayons aussi tout l’accompagnement social qui lui soit associé. Ce sont les trois volets du programme local de l’habitat (PLH), sur lequel nous allons travailler, avec les associations de locataires, et d’autres structures, pour qu’il y ait une vraie logique dans la chaîne. Sans oublier l’encadrement des loyers, sur le parc privé, qui concerne 50 000 logements dans l’agglomération.

Justement, vous avez demandé à mettre en application la limitation des loyers prévus par la loi Alur*. Pourquoi ?

C’est simple, nous avions été répértorié dans la loi Alur comme étant un territoire tendu. Nous avons connu une augmentation des loyers de près de 40 % en dix ans. Nous voulions faire en sorte que désormais, ce genre de flambée du prix n’arrive plus. Nous avions là un véritable outil de justice sociale et de justice publique. Mais on nous a expliqué qu’à cause de cela on ne pouvait plus construire. J’écoute tout le monde et je suis ouvert à tout le monde. Mais en même temps je sais que le logement aujourd’hui pour certains ménages coûte 50 % des revenus ! Donc il faut maîtriser cela. L’encadrement des loyers est une mesure de justice. Nous avons besoin de fixer le juste prix des loyers. Donc cette loi était nécessaire. J’y étais favorable, et les députés de l’agglomération ont tous voté cette loi.  

Quels sont les mécanismes qui sont proposés par cette mutation des loyers ?

Si le premier ministre dit oui, dans ce cas là le préfet doit mettre en place une commission d’évaluation, mettre tout le monde autour de la table et définir quel sera le loyer médian, sur lequel pourront se calculer les + 20 % et les – 30 %, et qui permettra de fixer une fourchette. Je considère que c’est un problème d’agglomération, mais il y a des zones qui sont peut-être plus tendues que d’autres. Donc il faudra affiner tout ça, de façon à ne pas être que dans le général, mais cibler aussi les zones qui nécessitent peut-être d’êtres corrigées.

Quel bilan dressez vous du logement social dans l’agglomération et quelle action la Métro va t-elle mettre en œuvre dans ce domaine ?

Sous le mandat précédent la construction de logements était déja une priorité. Je rappelle que le seul effort de fiscalité fait sous la présidence de Didier Migaud était de mettre 10 millions d’euros de plus dans le pot pour le logement. On a eu des désengagements de l’État, des repositionnements de certains acteurs (le conseil général notament), mais nous avons construit du logement social… Cependant pas assez pour résoudre la crise du logement aujourd’hui. Nous avons donc besoin de la maîtrise du foncier, faire en sorte que les logements sociaux ne soient pas inabordables. Il faut une meilleure répartition de la construction de logements sociaux dans l’agglomération. Aujourd’hui toutes les communes font des efforts mais pas toutes dans la même proportion. Nous aurons, à partir du premier janvier 2015 la maîtrise des plans locaux d’urbanisme, qui sont là aussi un autre outil. En concertation avec les communes, nous allons fabriquer un PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal). Si vous accrochez au PLUI un droit de préemption urbain, vous arrivez à deux éléments d’un dispositif qui permet vraiment d’agir beaucoup mieux sur la maîtrise du foncier et sur la stratégie fonçière.

Comment amener les communes les plus aisées, les plus réfractaires à la construction de logements sociaux,  à les accepter sur leur territoire ?

Il y a eu malgré tout des efforts, de ces communes. Mais ils ne sont pas suffisants aujourd’hui par rapport à l’enjeu. On assiste aussi à une chose simple : il y a des villes qui ont beaucoup construit pendant ces dix dernières années. Je pense à Grenoble, Echirolles, Saint Martin d’Hères, Fontaine, qui parviennent aujourd’hui à une stabilisation de leur capacité à construire. Non pas qu’elles ne le veulent pas, mais tout simplement parce qu’elles atteignent les limites de leur foncier disponible. Du coup le problème se répercute sur d’autres communes. Il y en a, et je pense notamment au sud, qui peuvent porter des opérations de logements qui seront utiles à l’intérêt général de l’agglomération. Donc il faut retravailler le plan local de l’habitat, et faire en sorte que là aussi l’effort soit beaucoup plus accentué sur les communes. Il y en a qui sont à des taux de logements sociaux, aujourd’hui, d’à peu près 10 % ou 11 %. Peu respectent les 25 %. Donc on va tous faire des efforts.

Quels sont les moyens financiers de la Métro en termes de constructions de logements ?

C’est une question budgétaire générale. Je suis inquiet des baisses de dotations de l’État, aujourd’hui. Elles sont régulières, et depuis maintenant quelques années elles pèsent sérieusement sur notre capacité à investir. Je plaide donc pour un gel des dotations, de façon à ce que l’on puisse être au rendez-vous de nos politiques publiques. Si vous baissez l’investissement public, forcément, les politiques de logements, ou de transports, vont prendre un coup sur la tête. Malgré nous, nos capacités financières vont dépendre de la façon dont l’État se positionnera sur le rôle des métropoles. C’est l’État qui a voulu la création des métropoles. Nous sommes au rendez-vous, nous nous mettons en mouvement, nous travaillons avec les communes pour fabriquer cette interaction metropolitaine, mais nous avons besoin du soutien de l’État.

Quelles sont les compétences de la Métro en termes d’hébergement d’urgence ?

La question de l’hébergement d’urgence est une question cruciale qui concerne le droit au logement. On ne peut pas accepter aujourd’hui de voir, au bord de nos routes, des gens dans des toiles de tente, qui vivent dans la précarité et la misère, avec tout ce que cela implique, en plus des situations administratives complexes, et finalement la non-reconnaissance de la personne humaine. Tout le monde se renvoie la balle, les maires sont dans des situations compliquées, et en même temps on apprend que les crédits de l’État en la matière baissent. On nous interpelle pour que la Métro agisse. La Métro veux bien prendre place dans cette question, mais à condition que tout le monde soit autour de la table. On ne peut pas tout faire seuls. Il y a des questions de moyens financiers et il faut que l’État soit là en sa compétence régalienne. Nous sommes là, mais en accompagnement. Il faut que tout le monde joue le jeu. Nous serions prêts à créer un groupement d’intérêts public, un GIP, avec le conseil général, l’État dans ses missions régaliennes, et nous qui pourrions apporter des éléments.  

Comment combiner le problème du logement avec d’autres aspects de la vie urbaine comme les enjeux sociaux et environnementaux ?

Là on est au cœur de la question. Je viens de signer un courrier au préfet pour lui signifier notre accord sur la géographie prioritaire de la politique de la ville, qui concerne donc les communes de Pont-de-Claix, Grenoble, Échirolles, et St Martin d’Hères. On attend maintenant de savoir combien l’État va mettre au pot. Il va y avoir de très gros enjeux de rénovation urbaine sur l’agglomération grenobloise, par exemple à la  Villeneuve, au quartier Mistral. Nous sommes donc en train de bâtir toute une stratégie politique de la ville, avec un contrat urbain de cohésion sociale et des fonds de cohésion sociale pour les six ans qui viennent. Nous sommes en train d’écrire ce contrat, qui sera examiné au conseil des communautés en novembre. Là, nous fixerons le budget, qui témoignera d’une vraie volonté forte d’agir de façon claire sur la rénovation urbaine.

Nous allons donc présenter un projet de rénovation urbaine sur la base d’un élément très simple qui est la carte des précarités de cette agglomération. Ces cartes sont élaborées avec l’observatoire commun à la ville de Grenoble, le CCAS de Grenoble, l’agence d’urbanisme. Grâce à ces cartes nous savons où sont les précarités dans cette agglomération : dans l’urbain, dans le péri-urbain, mais aussi dans le rural. C’est là où nous devrons apporter notre soutien. Nous Métro, nous  accompagnerons à la fois la rénovation et le soutien aux actions sur ces territoires. Parce qu’il y a aussi d’autres questions problématiques, d’accès aux droits, à la culture, à la santé par exemple. C’est donc toute la chaîne qu’il nous faut traiter !

 

* La loi ALUR a été élaborée par l’ancienne ministre Cécile Duflot pour rénover la législation et la réglementation du logement. Ses mesures phares sont l’encadrement des loyers (plafonnement et décence des prix), et la GUL, garantie universelle des loyers, qui permet de prendre en charge, pour les plus démunis, les frais de caution.