Création d’un collectif grenoblois pour les morts de la rue

Lutter contre l’oubli et pour la mémoire des personnes de la rue est la raison d’être du jeune collectif grenoblois « Mort De Rue« . Ses membres ont organisé une présentation publique qui s’est tenue le 03 avril dernier dans les locaux de La Piscine-Fabrique de solutions pour l’habitat, à Echirolles.

Une trentaine de personnes avaient répondu à l’invitation. La plupart des associations du collectif, professionnels et bénévoles agissant contre l’exclusion et la précarité, étaient représentées  : Point d’Eau, Femmes SDF, les Arpenteurs, Médecins du Monde, le Secours catholique, Un Toit pour Tous, La semaine des 4 jeudis, L’Oreille du Coeur, Le Fournil, Les Restos du Coeur, la Banque Alimentaire de l’Isère, Roms Action, la Ligue des Droits de l’Homme.
On pouvait aussi noter la présence d’Olivier Noblecourt, adjoint au Maire de Grenoble et vice-Président du CCAS. Christian Gay représentait quant à lui les Pompes Funèbres Intercommunales (PFI). Enfin, deux bénévoles du collectif lyonnais Mort sans toi(t) étaient venus spécialement de Lyon faire part de leur expérience.

La rencontre débuta par la projection d’un extrait du film Malaimance, histoires de femmes et errance, produit par l’association Femmes SDF. Puis, des membres du collectif lirent à tour de rôle de courtes phrases. Ce sont quelques-unes des réflexions et des questions qui ont émergé de précédentes réunions.

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C’est en effet au sein d’une réunion du Parlons-en que l’idée de ce collectif émerge et fait son chemin tout au long de l’année 2011. Les échanges sur les décès de personnes de la rue, particulièrement nombreux en 2010, renvoient à une indignation commune, ferment de l’action à venir. En mai 2011, deux membres du Parlons-en participent au forum national des collectifs pour les morts de la rue à Paris. En juin, Pedro Meca, l’un des fondateurs du collectif parisien, créé en 2002, vient à son tour à Grenoble soutenir le projet. Ces deux rencontres sont déterminantes. A partir de novembre 2011, les réunions mensuelles se succèdent et le collectif se met en place.

MDR, volontairement provocant

Le nom finalement retenu, Mort De Rue, est volontairement provocateur, il fait réagir et c’est un but assumé. Il est sans doute moins rude que la réalité qu’il évoque et le scandale qu’il dénonce  : vivre à la rue tue. Plus de 390 personnes sont mortes dans la rue ou des conséquences d’une vie à la rue en 2011, en France. Contrairement aux idées reçues, ces morts prématurées (les SDF ou anciens SDF meurent en moyenne 30 ans plus tôt que le reste de la population) surviennent tout au long de l’année, même si on ne s’en émeut que pendant les mois d’hiver. Cette réalité, scandaleuse dans un pays comme la France, est d’autant plus insupportable qu’on n’en parle pas, ou si peu, tant elle dérange. C’est donc la fonction essentielle du collectif d’en parler. En parler pour informer et permettre des funérailles dignes. En parler pour que les morts de la rue sortent de l’anonymat et ne tombent pas trop vite dans l’oubli. En parler aussi pour interpeller l’opinion publique.

Beaucoup reste à faire encore, selon Pascal Dagneaux de Point d’Eau, et les modalités d’actions ne sont pas toutes définies. Pour l’instant, le Collectif fonctionne avec une équipe restreinte et la logistique est assurée par les Arpenteurs (qui rédige, met en ligne et distribue les compte-rendus des réunions du Parlons-en et du Collectif) et l’accueil de jour Point d’Eau (qui fait office d’adresse postale et où se sont tenues les premières réunions du collectif). Une boîte-mail est créée, reste le logo à trouver.

Le « carré commun« *

Le Collectif ne peut agir efficacement sans une étroite collaboration avec les services des Pompes Funèbres de Grenoble. Christian Gay, adjoint à la Direction, est intervenu pour expliquer le rôle des PFI dans l’inhumation au « carré commun » du cimetière de Grenoble des personnes isolées. Il détailla longuement la façon dont cela se passait à Grenoble, l’importance accordée à la recherche des proches, afin que les funérailles soient les plus dignes possibles et aussi près de ce que le défunt aurait pu souhaiter, notamment s’il était croyant.

Les inhumations ne se font donc pas dans la précipitation même si les recherches s’avèrent souvent difficiles. David Laumet, anciennement responsable de La Place (centre d’hébergement pour SDF accompagnés de leurs animaux, fermé à l’été 2011), se souvient que le service avait différé d’une dizaine de jours l’inhumation d’un des hébergés pour permettre d’organiser au mieux ses funérailles. Monsieur Gay salua donc la création de ce collectif et le partenariat qui devrait permettre d’agir avec plus d’humanité encore.

Olivier Noblecourt approuva également cette initiative et assura le collectif du soutien de la Ville pour des actions phares comme l’organisation de la commémoration annuelle mais aussi l’aménagement du « carré commun » auxquels La Piscine pourrait d’ailleurs être associée.

Un réseau de collectifs en évolution

Mort De Rue rejoint le réseau national qui compte aujourd’hui une quinzaine de collectifs régionaux.
Le collectif lyonnais Mort sans toi(t) dont la particularité est d’agir en direction de l’ensemble des personnes isolées, y compris celles qui ont un logement, pourra apporter son expérience de près d’une décennie dans la «présence citoyenne lors des obsèques de ceux qui sont inhumés dans la plus grande solitude» qu’il revendique. Le point d’orgue de son action militante consiste en une commémoration annuelle à l’Hôtel de Ville de Lyon qui rassemble, dans une position égalitaire, élus, travailleurs sociaux et personnes de la rue.

Profitant du « tour de France »  du collectif parisien Les Morts de la Rue, il a été décidé que la première commémoration grenobloise aurait lieu lors de sa venue, au début de l’été, le 03 juillet prochain.

Le collectif n’est pas réservé aux seules associations ou aux personnes proches des gens de la rue, il est ouvert à tous ceux qui se sentent concernés et désireux d’agir.

Prochaine réunion le jeudi 19 avril à 17 heures au Local des Femmes, 16 rue Aimé Berey à Grenoble

Courriel : mortsdelarue.grenoble@gmail.com

Adresse : collectif «  Mort De Rue  », c/o Point d’Eau, 31 rue Blanche Monier, 38000 Grenoble

*note explicative sur « le carré commun »

D’après l’article L. 2223-27 du Code Général des Collectivités Territoriales, la commune doit pourvoir gratuitement aux obsèques des « personnes dépourvues de ressources suffisantes ».  
Cela concerne le plus souvent les personnes décédées sans famille et n’ayant rien prévu pour leurs obsèques et les personnes sans domicile fixe. L’article R2223-77 du CGCT stipule en effet que le corps de toute personne décédée sur la voie publique doit être examiné par un médecin, commis pour s’assurer de la réalité et de la cause du décès. Si personne ne réclame le corps, il sera inhumé en terrain commun (anciennement « fosse commune ») pour une durée de cinq ans.
Le carré commun, plus connu sous le nom de « carré des indigents » abrite des sépultures sans nom et sans pierre tombale. Une simple dalle de béton ferme chaque fosse.
L’inhumation n’est que temporaire, cinq ans après, la tombe pourra être relevée pour accueillir un autre corps, les ossements seront alors déposés à l’ossuaire municipal ou réduits en cendres.
Sur l’agglomération, ce service est assuré par la société d’économie mixte PFI à dimension intercommunale, au service de 75 communes. Chaque commune dispose de son carré commun. Il existe également un cimetière intercommunal Les Perrières à Poisat.