La vidéosurveillance, en faire tout un film ?

Envisager la caméra de vidéosurveillance pour faire un zoom sur la violence, c’est peut-être laisser hors-champ la multitude des acteurs qui jouent la scène du mal-aise social …

Au printemps dernier, les grenoblois ont appris que leur ville serait bientôt équipée d’un système de vidéosurveillance. Ainsi est apparu le projet d’installation de 13 caméras disséminées dans la capitale des Alpes. A l’échelle nationale, Grenoble est une des dernières grandes villes à opter pour cette solution. De là est né un débat qui a soulevé beaucoup d’émotions opposant des arguments à la pertinence parfois très variable. Quelle perception clairvoyante peut-on avoir de ce débat qui n’est peut être que l’arbre qui cacherait une forêt de difficultés sociales ?

L’installation d’un système de vidéosurveillance a engendré, à Grenoble comme ailleurs, des discussions passionnelles. A travers l’ensemble du paysage médiatique, la première  » vision  » de la question de la vidéosurveillance surgit à travers les voix de ses opposants. La discrétion des sympathisants apparaît donc d’emblée quelque peu questionnante. Un représentant d’un quartier concerné par l’installation de trois caméras indique que les riverains attendent, avec une réelle impatience, l’arrivée de la solution technologique. Alors qu’un climat d’insécurité et de violence semble s’amplifier, les habitants perçoivent les moyens humains comme inefficaces pour prévenir seuls la criminalité. Dans certains quartiers dits  » sensibles « , l’anonymat et la discrétion sembleraient de rigueur afin d’éviter tout risque de représailles. La question de la vidéo- surveillance est donc par essence étroitement liée à celle de la délinquance. Or, comme l’indique le sociologue Sebastian Roché, la délinquance ne dépend pas de la surveillance, mais s’inscrit dans un contexte où interviennent de nombreux facteurs sociaux. Ainsi, la vidéosurveillance ignore totalement les causes de la criminalité.

 

Inversement, les opposants à la vidéosurveillance s’expriment abondamment sur la question. Les principaux arguments sont d’ordre éthique et liés à la protection de la vie privée. En effet, l’enregistrement de l’image d’une personne sans son consentement est une atteinte à sa vie privée. Dans la même veine, la vidéo- surveillance est assimilée à du voyeurisme et à un contrôle social. Toutefois, à l’heure où beaucoup vomissent leur vie privée sur Facebook, l’argument du voyeurisme se teinte d’un certain cynisme. Enfin, au delà d’une efficacité pas encore démontrée, la vidéosurveillance est envisagée comme un panneau publicitaire pour des politiques répressives qui renonceraient ainsi à trouver des solutions aux violences urbaines.
Le débat autour de l’installation de la vidéosurveillance semble a priori court-circuité par d’autres problèmes plus épineux. A ceux qui s’insurgent d’un contrôle social, qu’ils aillent au bout de leurs convictions et jettent au pilori leurs cartes bancaires et téléphones portables et désertent les autoroutes. Enfin, il est impossible d’ignorer la réalité de la violence urbaine locale et les événements qui émurent Grenoble cet été. Au delà des coups médiatiques et des effets d’annonces spectaculaires, quelles seront les véritables solutions trouvées aux difficultés sociales et à la criminalité ?