Le RSA – La suite

Souvenez-vous, dans le numéro de 106 (avril-mai 2009), nous vous avions proposé un dossier spécial RSA. Neuf mois après sa mise en place (juin 2009), il est temps de lui consacrer à nouveau quelques pages, histoire de voir si le RSA est vraiment la révolution annoncée.

Petit rappel : 
Le RSA dit « socle » remplace le Revenu Minimum d’Insertion et l’Allocation de Parent Isolé. Il est également versé aux personnes qui travaillent déjà et dont les revenus sont limités, on l’appelle RSA « activité ». Il constitue alors un complément de salaire.

Il était annoncé comme le messie, celui qui encouragerait l’emploi et réduirait la pauvreté des travailleurs. Il bouterait la pauvreté hors des frontières de France, fini les pauvres, bienvenue aux modestes ! De fait, on imaginait déjà son succès : les structures dédiées prises d’assaut par des hordes d’allocataires potentiels…
Finalement, seule la CAF a été débordée, alors que le CCAS et le Conseil Général étaient également instructeurs. « La communication et l’information des bénéficiaires n’ont pas permis de mieux repartir la charge entre
les institutions », regrette Olivier Noblecourt, adjoint à la mairie de Grenoble, directeur du CCAS. Malgré ce petit ripage, son bilan intermédiaire est plutôt positif. « Le RSA n’est pas qu’une mesure à prendre isolément, c’est un changement de conception et, à mon avis, dans une bonne logique, c’est-à-dire une logique de ressources et non plus de statut. […] Le RSA casse ce rapport au statut puisque les droits n’y sont plus attachés. C’est moins stigmatisant. » Pourtant, dans les faits, passer du statut de travailleur salarié à celui de travailleur aidé, par exemple, n’est pas sans conséquence sur la vision qu’on a de soi ou que l’on nous porte. « La logique du RSA me paraît être une logique incluante qui remet les gens en mouvement (comprendre en direction du Pôle Emploi) et les considère autrement. » Certes « le RSA n’a pas répondu à ce à quoi il prétendait vouloir répondre. Il voulait répondre à un besoin d’accompagner un retour à l’emploi en période de croissance, il joue un rôle d’amortisseur en période de crise. Il a aidé les plus fragiles.» M. Noblecourt admet volontiers que c’est là uniquement une approche sociale et politique, donc partielle. Il convient que de nombreuses questions se posent légitimement et qu’il est nécessaire de mettre en place des dispositifs d’évaluation pour y répondre de la manière la plus efficace possible. C’est également la volonté du Service Insertion du Conseil Général de l’Isère, bien conscient que tout n’est pas parfait. « On ne peut pas nier qu’il y a une certaine lourdeur administrative, une grosse machine pour une structure à moyen constant. » Le responsable d’une Maison pour l’Emploi de l’agglomération confiait même récemment : « C’est pas simple, le RSA, c’est un casse-tête de gestion. Le cahier des charges des référents de parcours fait 8 pages, c’est une usine à gaz. » Pas de quoi être rassuré.

Retard de dossier, erreur de courrier et donc de paiement avec tout ce que cela peut impliquer, lenteur et complexité des démarches, manque d’interlocuteurs… « Ce sont les dommages collatéraux », nous explique Mathilde Unger du Collectif contre la précarisation, exaspérée. Le discours est en effet bien plus sceptique chez les allocataires, « le RSA, pour le moment, on a tous les inconvénients du RMI et on attend encore les avantages. »
Il faudra se faire une raison, le RSA est non seulement très restrictif, puisque son calcul prend en compte toutes les ressources, que ce soient les revenus salariés ou placés, mais également fort intrusif dans la vie privée !
En effet, on n’a pu que hausser les sourcils à la lecture du formulaire de demande de RSA. L’invitation plus ou moins discrète qui est faite aux demandeurs de faire jouer la « solidarité familiale » (pour obtenir une pension) a de quoi surprendre. La petite ligne « Montant de l’argent placé ou non » n’est pas passée inaperçue non plus. Tous les comptes sont à déclarer (oui oui !), la moindre épargne, le moindre sou, sera pris en compte pour le calcul du RSA. « Ce n’est pas correct et ça empêche l’autonomisation », intervient Mme Unger. De quoi dissuader bon nombre de demandeurs, peu enclins à engager des démarches complexes autant qu’intrusives pour quelques sous supplémentaires.
On peut également noter les réticences de certains travailleurs peu rémunérés et éligibles au RSA à le demander. Car on ne peut le nier, le statut de bénéficiaire de minima sociaux, plus que dévalorisant, est devenu depuis déjà pas mal de temps totalement stigmatisant. Alain G., chômeur et théoriquement allocataire du RSA, se sent même « méprisé ». Il regrette le manque d’humanité qu’il rencontre dans le traitement de son dossier : attente de 3 mois pour validation, puis rejet sans explication. Il est vrai qu’obtenir un contact humain pour avoir des informations relève presque du miracle. Non clarifiées, les informations ne sont plus transmises et chacun se renvoie la balle. Cette perte de repères, qui touche un public dans des situations déjà délicates, n’est pas à négliger, car elle est forcément déstabilisante. Quant elle s’accompagne en plus d’une réforme des droits connexes (ceux-ci ne sont plus attribués en fonction du statut, mais du niveau de ressources), les faits deviennent rapidement incompréhensibles. On peut effectivement constater que les allocataires du RSA « activité » sont désormais soumis à différents impôts qui ne s’appliquaient pas aux bénéficiaires du RMI, comme la redevance télé et la taxe d’habitation. Ils perdent plus ou moins rapidement la CMU ainsi que les éventuelles réductions locales (transports en commun, piscine, etc.). À Grenoble, il a été bien facile et rapide de passer de 2 à 43 euros pour un abonnement TAG mensuel (ouille !).
Ainsi, les uns mettent en place des dispositifs pour obtenir des informations et des retours sur la mise en application réelle (il était temps, rappelons que cela fait déjà 9 mois que le RSA a été mis en place), les autres aimeraient être entendus. Les deux côtés semblent avoir bien du mal à se rencontrer. Il ne faut alors pas hésiter à prendre contact avec ces structures pour avoir des réponses à vos questions ou en cas de problème. Et si la démarche vous semble vaine, les associations et autres collectifs sont là pour vous accompagner.
Vous n’êtes pas seuls, faites-vous entendre !

Contacts
• Votre référent RSA
• CAF de Grenoble
3 rue des Alliés – 08 20 25 38 10
2 rue de Belgrade – 04 76 50 11 00
• Collectif contre la Précarisation – 06 33 72 79 31