Les candidats et le social : rencontre avec Lahcen Benmaza

Dans le cadre des élections municipales de Grenoble, Le Bon Plan a sollicité chacun des neuf candidats afin de leur poser une série de mêmes questions consacrées aux problématiques sociales.

Le Bon Plan a rencontré Lahcen Benmaza, tête de liste « Grenoble en valeur », candidat sans étiquette.

Pensez-vous que la représentativité des précaires au sein des institutions municipales est nécessaire et suffisante ? Que peut-on faire, autrement, pour donner plus de place aux précaires au sein des actions citoyennes ?

Dans notre liste, il y a des sans-emploi, certains qui touchent le RSA, d’autres pas. Il y a des jeunes, qui sont dans une situation précaire en tant qu’étudiants. Donc, au niveau de la représentativité, ils sont plus d’une vingtaine de personnes dans notre liste. Ils sont présents et se représentent eux-mêmes. On a puisé dans leurs idées : ce n’est pas un programme issu d’un parti, mais un vrai travail de groupe, et des personnes en précarité ont apporté leur pierre à cet édifice.

Il faut clairement donner une place à ces personnes, qui ressentent la crise, qui ressentent la précarité. Il faut qu’elles puissent apporter des solutions à ceux qui sont dans le même cas qu’elles. C’est plus que normal : si ces personnes ne sont pas là pour se représenter, qui va le faire ? Les personnes qui n’ont jamais connu la précarité ? Non. C’est du bon sens.

Quelles initiatives sont à mettre en place ou à pérenniser en faveur des précaires dans la municipalité? (accès aux crèches, aide au soutien scolaire, etc.)

Favoriser les précaires en leur permettant de se déplacer librement et gratuitement, il est clair que c’est un point important puisque ce n’est pas facile tous les jours de vivre avec peu d’argent. Les priorités c’est de remplir le frigo, de payer le loyer, de payer l’électricité, et on doit les aider à payer cela, en leur permettant de se déplacer librement. Au niveau des places de crèches, il faut également favoriser. C’est encore une fois du bon sens.

Mais dans notre programme, nous ne voulons pas mettre d’assistanat. Pas de social-dépendance. On veut permettre à ces personnes de prendre des initiatives et d’avancer. La municipalité doit être un tremplin, et non pas favoriser la précarité. Être dépendant du social, c’est favoriser la précarité. On veut mettre en place une maison de l’initiative, pour permettre à des commerçants, des artisans, des patrons, de donner un peu de leur temps pour essayer de monter des initiatives pour les personnes qui ont besoin de créer quelque chose, leur emploi peut-être. Rassembler les forces pour permettre aux personnes qui ont besoin de s’en sortir de proposer et d’être accompagnées.

Que faire pour pérenniser ou augmenter les capacités d’accueil des plus démunis ? Celui-ci doit-il uniquement passer par des associations, et comment les soutenir et s’assurer de leur bon fonctionnement ?

Il y a beaucoup d’associations subventionnées, mais il n’y a pas de suivi. Je ne vois pas les subventions comme un don, mais comme un investissement. Quand on dit investissement, on pense à rentabilité : il y a plusieurs sortes de rentabilité, financière mais aussi humaine. Quand on investit dans une association qui vient en aide à ces personnes, il faut qu’il y ait une rentabilité humaine, sociale. Que ces personnes se sentent soutenues. Il faut donc un suivi, qui n’existe pas aujourd’hui. Il y a énormément d’associations qui ne servent à rien, qui ne servent qu’à elles-mêmes, à exister. Quand on réduira ces associations, on aura un peu plus d’argent à investir sur les associations qui sont sur le terrain et qui apportent vraiment quelque chose à la communauté. Les associations de copains, d’amis, ça ne va pas : on veut aller dans une politique d’intérêt général, et ne pas mettre non plus les associations en dépendance. Aujourd’hui elles ont le couteau sous la gorge : « vous faites notre politique ou sinon au revoir ! » Ça ne marchera pas comme cela avec nous. Si vos actions sont utiles pour les Grenoblois, on vous aidera.

Pour ce qui est du logement, on a dix mille logements vacants sur Grenoble, dont cinq mille pouvant être mis tout de suite à disposition. Je pense qu’il faut aller dans ce sens. Les foyers c’est bien, mais un appartement permet de se sentir chez soi, de se sentir comme les autres, d’avoir une intimité. L’aspect est différent, le contexte est différent. Il faut penser au psychique et faire du bien à la tête de ces personnes-là, qui en ont besoin. Ils sont fatigués moralement, et encore plus fatigués moralement.

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Comment résoudre les problèmes d’accès au logement social (en particulier le temps d’attente) et celui-ci est-il la seule piste pour lutter contre le mal-logement ? Faut-il entrevoir un partenariat public-privé ?

Quand on a des loyers à des sommes impensables, comment proposer du social décent ? Ce n’est pas qu’un problème grenoblois : il faut des lois, comme la loi ALUR, pour encadrer les loyers et proposer dans le social un vrai loyer social. On peut créer bien sûr, cela se dit, un partenariat public-privé, mais c’est difficile à mettre en place : les propriétaires n’ont pas les garanties d’être payés, etc. C’est une question de confiance, de recréer de la confiance. Et ensuite, oui, pourquoi ne pas mettre en place ce partenariat ?

Au niveau des temps d’attente, il faut mettre de côté cette politique de copains. Mais je ne dis pas que c’est la seule politique, la seule cause de cette attente. La politique qui est menée aujourd’hui est opaque. C’est pourquoi nous parlons de transparence : sur quels critères donnons-nous les logements sociaux, pourquoi, pour qui, quand et comment… Dès qu’on arrivera à la mairie, nous mettrons de la transparence, nous expliquerons tout. Je pense que cela réduirait déjà le temps d’attente !

Au-delà de la seule question du logement social, le logement sur Grenoble est trop cher, les loyers élevés empêchent les travailleurs les plus modestes à accéder à des logements décents. Que peut faire la mairie ?

La mairie ne peut pas faire tout toute seule. Il faut appuyer au niveau national. Nous avions un député-maire ; il aurait pu appuyer sur ce point-là, c’est bien dommage qu’il ne l’ait pas fait. Se loger, c’est la base. On promet aux Français d’avoir accès à la propriété, et on ne leur permet même pas l’accès en tant que locataire. Il faut demander d’encadrer les loyers. Faire en fonction de l’état des finances des Français.

La loi ALUR va dans le bon sens mais il faut que tout le monde joue le jeu. Les vingt pour cent de logements sociaux, personne ne le fait. Il faut savoir réprimer les communes qui ne jouent pas le jeu. Les sanctions doivent être en conséquence. Ce n’est pas normal que des villes ne jouent pas le jeu. On peut avoir n’importe quelle étiquette, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, la loi c’est la loi. Nous sommes républicains, démocrates : on doit respecter cette loi. Il faut savoir demander des comptes.

Si vous étiez élu, quelles seraient vos priorités en matière sociale ? Pouvez-vous établir un « top 3 » de vos priorités dans ce domaine ?

Trois choses principales : ne pas tomber dans la social-dépendance. Accompagner les personnes pour qu’elles s’en sortent par elles-mêmes. Je pense qu’il y a des valeurs à acquérir. Le travail, c’est important, et il faut enlever cette étiquette des personnes qui sont dans la précarité. Ces personnes-là ne veulent pas être dans la précarité et il faut montrer à ceux qui pensent cela que non, ce n’est pas facile pour elles. Elles sont dans la précarité, elles sont stigmatisées, et en plus de cela on dit que c’est de leur faute ! Il faut mettre en avant l’accompagnement

Ensuite, il y a l’intergénérationnel. Aujourd’hui, le lien est en train de se déchirer, plus personnes ne se parle. Les moins jeunes et les plus jeunes ne se comprennent plus. Il faut reprendre cette communication, une communication saine, simple et honnête, qui puisse permettre un échange d’expérience, d’histoire, et créer le respect de nos anciens, de nos pères.

Un troisième point : la jeunesse. La jeunesse doit être soutenue, pas seulement financièrement, mais aussi dans le sens de l’engagement. Elle doit apprendre à s’engager, parce que demain n’est pas très beau et qu’elle doit prendre conscience qu’elle a un rôle à jouer. Elle ne doit plus être spectatrice, mais actrice du débat public. Il faut qu’elle s’investisse, qu’elle prenne toute son ampleur, ses responsabilités. Il faut lui faire confiance, et lui donner envie de s’engager dans sa citoyenneté.