Michel Chaix : un travail si je veux, quand je veux !

Le jeune retraité de 61 ans l’exprime ouvertement et sans complexe, il n’aura travaillé que 4 ans durant toute sa vie d’actif.
Cette situation, Michel ne l’a pourtant pas spécialement recherchée, pas au début de sa vie d’adulte en tout cas. Rien à voir avec ces « chômeurs heureux » qui ont délibérément tourné le dos au travail.

Cette « carrière » de chômeur particulièrement longue, il ne l’explique pas vraiment non plus. « Ce sont les circonstances […] On m’aurait proposé un boulot intéressant […] A part l’enseignement, je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’autre … ».

Car Michel n’a pas toujours été en panne de projet professionnel. Parfaitement bilingue (sa mère est allemande), il obtient aisément une maîtrise d’allemand et se prépare à une carrière d’enseignant. Deux échecs au CAPES l’obligent à postuler comme maître-auxiliaire. Au terme de trois années pénibles, il réalise que ce type d’enseignement n’est pas fait pour lui. Il cherche alors un emploi de traducteur, sans succès, puis se consacre à l’écriture, activité qui le passionne. Les années passent.
Peu de temps après le décès de son père, Michel consacre près de dix ans de sa vie à s’occuper de sa mère avant qu’elle ne décède à son tour. Il a 49 ans. Il lui faut de nouveau rechercher du travail.
Il s’inscrit à l’ANPE, postule à des offres d’enseignant ou de traducteur, on lui répond qu’il n’a pas le profil. Michel ne comprend pas.

Il finit par s’accommoder de cette situation, fait même de la résistance alors qu’il est au RMI. Pas question pour lui d’accepter ce poste de veilleur de nuit ou de magasinier qu’on lui propose. Sa conception du travail salarié, il le reconnaît, est utopique : « L’idéal, c’est que les gens puissent choisir vraiment ce qui les intéresse mais pas qu’on essaie de leur imposer des choses qu’ils n’ont pas envie de faire ». Sa détermination, il l’a forgée en étant confronté à la dépression d’un proche. S’il doit continuer à vivre d’aides, parce qu’aucun travail ne l’intéresse, après tout, il y a droit. « Je n’ai jamais voulu me laisser atteindre par la culpabilité ; ça existe, j’y ai droit donc j’en profite ».

Il se satisfait d’autant mieux de cette situation qu’il fréquente maintenant une association de conteurs amateurs, l’Orange bleue, dont il est aujourd’hui encore le secrétaire. C’est là qu’il entend parler d’une possibilité d’embauche au Bon Plan. Il y entre en 2005 et cette année de travail salarié en tant que rédacteur sera la seule expérience dont il gardera un souvenir empreint de nostalgie. Enfin il se sent à sa place dans l’équipe, enfin il est reconnu, valorisé pour ses compétences. C’est avec fierté qu’il évoque le renouvellement du journal auquel il estime avoir grandement participé. « Je m’étais approprié le Bon Plan » ajoute-t-il en riant. Il continuera bien après son départ à rendre régulièrement visite aux permanents.

Aujourd’hui, Michel semble apaisé et heureux, même si sa petite retraite ne lui permet aucun excès. Il n’a plus rien de commun avec le jeune homme timide et renfermé d’autrefois. C’est un jeune retraité actif, très investi à l’Orange bleue mais aussi dans le comité d’animation de son quartier. Il continue à s’adonner à l’écriture, envisage même d’être publié un jour.
« J’ai eu de la chance d’avoir le choix de ne pas travailler, reconnaît-il, il n’y avait pas cette épée de Damoclès au-dessus de la tête comme aujourd’hui ».