Les contrats aidés : des sigles, en veux-tu, en voilà

Instrument privilégié des politiques de l’emploi, le « contrat aidé » est un contrat de travail permettant, par le biais des aides versées à l’employeur, de réduire le coût à l’embauche. Depuis plus de 30 ans, tous les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, y ont recours. Chacun invente le sien : SIVP, TUC, CES, CEC, CPE, CJE, CIVIS, CUI, CAE…

Anciens et nouveaux contrats aidés coexistent souvent, les contrats en cours ne pouvant être interrompus brutalement. On assiste au fil des ans à un empilement de dispositifs constituant une véritable « usine à gaz »  jusqu’à ce qu’il soit décidé en 2010 d’en réduire le nombre et d’en simplifier l’utilisation.

 

Les jeunes sans qualification, cible des premiers contrats aidés

La mise en place des premiers contrats aidés coïncide avec la montée du chômage à la fin des années 70. Ils sont alors prioritairement axés sur les jeunes sans qualification, touchés de plein fouet par la crise de l’emploi.
C’est un gouvernement de droite qui innove en 1977 en créant les premiers contrats à durée déterminée à destination des jeunes chômeurs, assortis d’exonérations de charges patronales. En 1984, la gauche est aux commandes et met en place le Travail d’Utilité Collective (le fameux TUC), contrat aidé à temps partiel, ouvert aux 16-21 ans puis aux 16-25 ans, dans les collectivités publiques. Le « tuciste » est assimilé à un stagiaire rémunéré de la formation professionnelle alors qu’aucun objectif de formation n’est associé à la mesure. Une forte campagne de promotion accompagne les premières années de mise en œuvre du dispositif. Le TUC rencontre d’abord la faveur de l’opinion publique qui voit là une manière saine d’occuper sa jeunesse désœuvrée (on recense plus d’un million de jeunes chômeurs). Certains médias n’hésitent pas à rapprocher le TUC du TIG (Travail d’Intérêt Général), mesure pénale substitutive à l’incarcération, évoquant ainsi le caractère « vertueux » du travail. Les jeunes eux-mêmes adhèrent massivement à la mesure, y voyant une alternative possible au chômage. L’embellie est de courte durée. La fin de l’année 1986 inaugure le déclin de la popularité du TUC, désormais assimilé à un « petit boulot sans avenir et mal payé », les jeunes s’en détournent progressivement. La polémique sur le statut de ces emplois-stages qui n’offrent que peu de protection aux bénéficiaires prend de l’ampleur. Le TUC sera finalement supprimé en 1990 au profit de contrats d’insertion faisant des bénéficiaires des salariés à part entière.

Le chômage de longue durée au cœur de l’action des pouvoirs publics

Les années 90 marquent une étape significative dans l’évolution des contrats aidés avec l’élargissement des publics ciblés. Les politiques d’insertion prennent en compte la nécessité d’intervenir auprès de nouvelles couches de la population active que la société salariale n’arrive plus à intégrer.
Le Contrat Emploi Solidarité (CES), créé en 1990, suit peu ou prou la même logique que le TUC : mettre au travail d’abord, former ensuite… éventuellement.
Il se distingue des précédents contrats aidés par son caractère généraliste. Les allocataires de minima sociaux sont éligibles tout comme les chômeurs longue durée, les jeunes sans qualification, les travailleurs handicapés, les seniors…
Le contrat aidé est désormais un « vrai » contrat de travail et l’essentiel du salaire est pris en charge par l’Etat, ce qui constitue une autre nouveauté.

Le Contrat Unique d’Insertion, dernier avatar des dispositifs d’insertion

La création du Contrat Unique d’Insertion (CUI) en 2010 marque la dernière étape de l’évolution des contrats aidés. Elle répond à une demande de simplication et de souplesse des dispositifs, réclamées par les acteurs de l’insertion. Il se décline en CUI-CIE dans le secteur marchand et en CUI-CAE dans le secteur public et associatif. Le salarié en CUI bénéficie désormais de la convention collective de l’entreprise qui l’emploie. Le volet accompagnement est également renforcé avec la signature d’une convention individuelle qui prévoit les modalités de mise en œuvre du projet professionnel. Une attestation d’expérience professionnelle est établie par l’employeur et remise au salarié en fin de contrat.

A qui profitent les emplois aidés ?

Les contrats aidés peuvent être perçus comme un outil stratégique utilisé par le gouvernement à seule fin d’améliorer artificiellement les statistiques du chômage ou à l’inverse, de réduire les dépenses publiques. C’est d’autant plus vrai avec les emplois aidés du secteur public puisqu’il peut lui-même en contrôler le volume. On observe alors un effet « yoyo » qui nuit à l’efficacité de ces contrats en terme d’insertion.
On connaît aussi l’effet d’aubaine que les contrats aidés peuvent générer lorsque des entreprises les utilisent pour des embauches qu’elles auraient réalisées par ailleurs.
Si les associations du secteur social n’ont d’autre choix que d’y recourir face au désengagement de l’Etat, on est moins enclin à comprendre ce choix lorsqu’il s’agit d’une administration publique qui pallie ainsi le manque chronique de personnel dans les services.
Quant aux effets positifs pour l’emploi, ils sont difficiles à mesurer et en apparence peu convaincants si l’on ne retient que le seul critère de retour à l’emploi durable à l’issue du contrat, surtout dans un contexte dégradé du marché du travail.
Mais un contrat aidé n’est-il pas déjà un retour dans l’emploi ? Quand on a été au chômage, parfois pendant des années, la reprise d’activité se traduit souvent par la sortie d’un isolement social plus ou moins important, la reprise de confiance en ses capacités, l’acquisition de nouvelles compétences.
Pour certains, le parcours d’insertion nécessite d’être balisé et ne débouchera pas forcément sur un emploi classique à l’issue du premier contrat aidé. Pour d’autres, cette expérience aura effectivement représenté un tremplin vers l’emploi. D’où l’importance d’un accompagnement individualisé qui a du sens pour le salarié. La grande diversité des situations ne peut se contenter de réponses univoques.

Pour autant, les emplois aidés restent des instruments de gestion sociale du chômage plus que de véritables outils pour l’emploi, nécessaires mais insuffisants. On attend toujours une politique de l’emploi plus ambitieuse, au-delà des seules incantations et utilisation de  recettes éculées.