Nadia Boukreris : défendre l’opprimé

À 47 ans, Nadia Boukreris a eu plusieurs vies : couturière à Oran, femme au foyer aux multiples engagements bénévoles à Teisseire et maintenant médiatrice paire en santé.

Regard franc et parole directe, parfois teintée d’ironie, Nadia Boukreris n’a pas la langue dans sa poche et raconte librement son parcours, d’une vie tracée à celle qu’elle s’est construite ici.


La vie en Algérie

Née en 1970 à Oran, Nadia Boukreris est l’unique fille d’une fratrie de quatre enfants. En primaire, elle récite des poèmes des grands auteurs de la littérature arabe, transmis par son père. Un homme, qui n’a jamais été à l’école, mais qui a appris l’arabe littéraire en prison (durant la guerre d’indépendance), en partageant la geôle de Moufdi Zakaria, l’auteur de l’hymne national algérien. Si son père  » vénère «  l’éducation, ce n’est pas le cas de sa mère, qui veut en faire une bonne ménagère. Par défi, Nadia arrête ses études en seconde, puis se distingue en couture : « À 22 ans, je créais des modèles de haute couture, j’habillais les avocates, les doctoresses… Je gagnais beaucoup d’argent sans digérer le fait d’avoir arrêté l’école. »


L’arrivée en France

Nadia fonde un foyer. En 1998, elle quitte l’Algérie :  » C’est la guerre civile. Au décès de mon père, ma famille s’installe en France et je finis par les rejoindre. » Elle atterrit à Teisseire – on la met en garde :  » Ici, tu ne parles à personne. «  Pour la jeune femme, c’est un choc.  » À Oran, je parlais avec les jeunes du quartier, avec mes voisins. J’arrive en France et je découvre la méfiance. » Elle comprendra plus tard ce repli, cet entre-soi d’une population d’immigrés pour qui « être français, c’est trahir la communauté. »

Nadia se préoccupe avant-tout de l’éducation de ses enfants.  » Je quitte l’école du quartier Teisseire – où la mixité est inexistante – Je me présente comme parent déléguée à Malherbe et fais face au rejet initial : ces deux quartiers, c’étaient deux villes différentes, l’avenue Jean Perrot, on l’appelait la frontière. »


Le théâtre de l’opprimé

Son combat social va s’étendre grâce au théâtre de l’opprimé, qu’elle découvre en 2001 au CCAS :  » Tu pars d’une situation vécue, tu écris le scénario puis tu le rejoues en donnant la possibilité aux spectateurs de donner une réponse en prenant le rôle de l’opprimé sur scène. C’est un outil d’expression et d’interpellation percutant, d’ailleurs intégré à la formation de travailleur social, pour laquelle j’ai été formatrice. On abordait aussi bien les relations parents-enseignants que la place des jeunes dans les quartiers. »

Nadia est « tombée amoureuse » du théâtre-forum, dans lequel elle continue de s’investir : elle est « joker » (metteur en scène) du spectacle  » La mammo de dépistage, y a pas de quoi en faire un plat », qui tourne au national. C’est après s’être formée comme personne relais bénévole pour sensibiliser les femmes des quartiers sud de la Ville à faire leur dépistage du cancer du sein que le projet est né, en partenariat avec l’Office De Lutte contre le Cancer (ODLC), pour  » briser les tabous et lever les freins. »


Médiatrice paire en santé

Lever les freins, sensibiliser, accompagner : c’est aujourd’hui le métier de Nadia, médiatrice paire en santé implantée sur le secteur 5. Un métier, en phase d’expérimentation, basé sur  » le vécu similaire «  du travailleur pair avec la personne accompagnée. Les réticences initiales ont laissé place à un apaisement du milieu professionnel :  » Notre particularité, c’est notre connaissance des codes des quartiers. Notre complémentarité, c’est d’aller chercher les gens là où ils sont, en faisant du porte-à-porte. »

Aller au contact pour ne pas abandonner, forcer les portes de l’indifférence, Nadia Boukreris conserve au fond d’elle une révolte qu’elle met, chaque jour, au service de la collectivité.

Plus d’informations

Nadia Boukreris, médiatrice paire en santé
au sein du Service Promotion de la santé de la ville de Grenoble

Permanences sans rendez-vous

Mardi de 9h à 12h à la MDH Abbaye-Jouhaux
1 place de la commune Tel : 04 76 54 26 27

Jeudi de 9h à 12h à la MDH Teisseire-Malherbe
110, avenue Jean Perrot Tel : 04 76 25 49 63