Rencontre avec Alain Guézou sur le RSA et l’Europe

Alain Guézou, le celèbre « marcheur du RSA », qui avait créé l’évenement en reliant Grenoble-Paris à pieds, pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation des allocataires du RSA, s’était porté candidat aux éléctions européennes. 

Mais, une semaine avant le scrutin, il a annoncé le retrait de sa liste. Il nous dit pourquoi et nous parle du RSA en général, et de l’Europe en particulier.

Pourquoi retirez-vous votre candidature aux éléctions européennes ?

La loi fait que les bulletins de vote sont à la charge des listes. En tant qu’allocaire du RSA, je ne pouvait pas me permettre d’assumer un prêt de plusieurs milliers d’euros pour les imprimer. Toutes les listes qui font moins de 3% ne sont pas remboursées. Donc on n’y est pas allés, mais ça a tout de même été positif de faire cette campagne. On a fait des rencontres dans différents départements, et ça nous a permis de voir que l’on est pas seul au monde. Ca c’était intéressant pour la filière RSA que je veux créer au niveau national. L’idée serait de créer une association d’allocataires du RSA.

Pourquoi vouliez vous vous présenter ?

C’est la même démarche que celle qui avait été la mienne quand je me suis présenté aux dernières legislatives contre Michel Destot. Quand on est en situation de RSA, on est avant tout des citoyens, et si nous ne nous prenons pas en charge, personne ne le fera pour nous. Les lois, les textes, les règlementations, se font dans les assemblées politiques. Donc il y a deux solutions : soit on va dans la rue, soit on va dans les assemblées politiques. Je suis légaliste, je crois au travail des lois, au travail parlementaire. Plutot qu’aller dans la rue, je vais au Parlement. Je ne veux plus qu’on parle pour moi, je le refuse. Ca ne suffit pas de se plaindre, il faut être actif, il faut agir.

 

Comment voyez vous l’Europe aujourd’hui ?

Comme une chance. L’idée de l’Europe est une chance. Mais sous sa forme actuelle, l’Europe est comme une hérésie, parce que, elle est dirigée par des hommes et des femmes, qui n’ont pour seule ambition que leurs propres ambitions. Mais l’idée des pères fondateurs de l’Europe, c’est quand même qu’il n’y ait plus de guerre. On en a pas assez conscience. Pour la première fois dans l’histoire de notre continent, on vient de passer la période la plus longue sans guerre. L’Europe c’est aussi le pouvoir de se déplacer avec une seule carte d’identité. L’Europe c’est aussi le meilleur moyen de lutter contre les nationalismes, mais aussi contre l’indifférence, contre l’insécurité. Et donc il faut que les élécteurs prennent bien conscience qu’il faut élire des représentants honnêtes, qui pensent d’abord à l’Europe avant de penser à eux. L’idée de l’Europe reste extraordinaire.

Qu’est-ce que l’Europe peut, selon vous, apporter au niveau des prestations sociales en général et au RSA en particulier ?

Tout ! Il faut avoir conscience que nous nous trouvons dans une période charnière. Aujourd’hui la France telle que nos parents l’ont connus, c’est fini. Demain, tout se décidera au niveau de l’Europe. Si on veux qu’en France il y ait un revenu minimum garanti, c’est au niveau de l’Europe que ça se décidera. Si on veut qu’il y ait une solidarité bien plus humaine, c’est au niveau de l’Europe que ça va se décider. Je n’aime pas cette idée de ne parler que des français. Je veux dire par là qu’il faut arrêter de réagir en clocher de campagne. Je suis très attaché à mon coin de terre.  Mais il y a des choses pour lesquelles on ne peut plus raisonner au niveau local. C’est au niveau européen qu’il faut raisonner. Encore une fois le revenu minimum garanti, ce sera l’Europe qui l’apportera. Les garanties de solidarité c’est l’Europe qui doit les apporter. La santé pour tous c’est l’Europe qui peut l’apporter. Donc arrêtons de toujours vouloir critiquer. Arrêtons de nous plaindre. L’europe peut être le gendarme qui garantit nos droits. À la place des systèmes nationaux, qui incarnent une époque révolue. Il faut avancer. Ca fait peut-être mal, mais c’est comme ça.

Comment faudrait il modifier ou structurer le droit européen pour mettre en œuvre une politique sociale européenne ?

 

Il faut donner la parole à ceux qui sont en situation de précarité. Mandela a toujours dit : « ce qui est fait pour moi sans moi est un scandale ». C’est tout à fait vrai. Ce sont des gens qui gagnent 9600 euros par mois qui font des lois sur la précarité. Mais qu’y connaissent-ils ? Même si pour être communiste il n’est pas nécessaire d’être ouvrier, ça aide quand même. Les précaires doivent êtres présents dans toutes les instances politiques. On ne nous a pas consulté sur l’augmentation du RSA de 10% sur cinq ans. On ne nous a pas demandé si l’on était d’accord.

Qu’est-ce que pour vous un « citoyen européen » ?

C’est une personne intelligente. Qui accepte que son voisin soit différent. Et qui sait dialoguer avec lui quand il ne le comprend pas. Car l’Europe c’est aussi la tolérance. L’Europe doit tendre à rendre intelligent, tolérant et confiant.

Êtes vous euro-sceptique ?

Non, au contraire. Mais chacun vote pour qui il veut.  Et voter, ça signifie avoir des convictions. Si on veut changer le « schmilblick » il faut avoir des convictions. Et si certaines personnes n’ont pas les mêmes convictions, c’est de la rencontre des différentes convictions qu’il va ressortir quelque chose. Si on est tous d’accord, on fait du sur-place. C’est la confrontation des idées qui fait qu’il émerge de nouvelles pensées qui permettent d’avancer.