Rencontre avec Lydie Salvayre

Lydie Salvayre était à Grenoble mardi 20 octobre pour parler de Pas pleurer, son dernier roman – qui lui a valu le prix Goncourt 2014. Malheureusement indisponible pour le printemps du livre, l’auteur a tenu à répondre, même avec retard, à l’invitation des Grenoblois.

Pas pleurer croise deux paroles. Celle de Montse, la mère de Lydie Salvayre, qui a quinze ans en 1936 lorsqu’éclate la guerre civile espagnole et qui, soixante-quinze ans plus tard, raconte ses souvenirs à sa fille ; celle de Georges Bernanos, l’auteur des Grands cimetières sous la lune, témoin révulsé des excès et des atrocités commis par le camp franquiste qui avait pourtant la faveur idéologique de l’écrivain.
Les circonstances sont bien sûr fictives : ni Montse ni Bernanos n’ont dicté leurs témoignages à Lydie Salvayre. Tout son art narratif va donc consister à se faire leur porte-parole, via ses souvenirs personnels et sa lecture bouleversante des Grands cimetières sous la lune.

« La colère comme moteur d’écriture »

Au bouleversement qu’elle ressent à la lecture de Bernanos, Lydie Salvayre répond par la colère. La colère devant la violence exercée sur les « mauvais pauvres » qui osent se rebeller et vouloir changer la société, ces « mauvais pauvres » dont sa mère faisait partie.
Sa mère pour qui l’été 1936 et son début de révolution comptent parmi les moments les plus intenses de sa vie. Une révolution qui offrait un bonheur tant individuel que collectif, qui permettait à la jeune paysanne venue d’un village stagnant de découvrir le monde et en même temps promettait de changer ce monde en quelque chose de meilleur.

Nous ne sommes donc pas devant une colère haineuse mais plutôt une saine colère, suscitée par l’injustice et l’oppression ; une légitime indignation et une exaltation qui font espérer, avancer et – peut-être – bâtir.

« Avancer à coups d’utopie, de désir d’impossible »

C’est ici que nous atteignons le cœur des préoccupations de Lydie Salvayre : d’où vient et surtout où va cette force morale. Pour celle qui a été pédopsychiatre avant de devenir écrivain, le vécu qui va façonner les idées politiques commence dès l’enfance, d’où l’importance à accorder aux plus jeunes pour leur apprendre à ne pas limiter leur horizon, qu’on peut rendre possible l’impossible… quitte à ce que le désenchantement soit au bout de leur chemin, comme c’est le cas pour le frère de Montse qui finit par rentrer dans son village et réalise que le déchaînement qu’il vient de traverser n’a au final rien changé.

Le sens de l’histoire, pour Lydie Salvayre, n’est pas de réaliser une utopie mais de la poursuivre car c’est en essayant de l’atteindre qu’on fait avancer la société. Un message qui était vrai dans l’Espagne de 1936 et l’est sans doute partout et de tous temps.