Tous au bagne !

François Hollande avait sa boîte à outils, Nicolas Sarkozy a sa pochette surprise. Nouvelle idée : faire travailler de force ceux qui n’arrivent pas à trouver du travail.

Assistanat split

On avait (vite) oublié la faconde de Nicolas Sarkozy. Cette farouche volonté d’occuper le terrain médiatique quitte à dire tout, n’importe quoi et son contraire. Se considérant légitimé par l’incontestable victoire de l’UMP aux récentes élections départementales, il ne se montre avare ni de discours, ni de propositions.

L’ancien chef de l’État est ainsi revenu sur l’une de ses idées fixes, qu’il avait déjà évoqué au soir du second tour et que ses lieutenants avancent d’entretiens en entretiens. Nul doute par ailleurs qu’elle comptera parmi ses outils de campagne 2017 en cas de candidature – probable – pour les Présidentielles. De quoi s’agit-il ? De faire travailler les titulaires du RSA.

« Nous ne voulons pas confondre solidarité et assistanat », indique Nicolas Sarkozy, invitant les départements venant de passer à droite à « instaurer le contrat d’insertion de 7 heures hebdomadaires obligatoires pour les bénéficiaires du RSA ». Et le président de l’UMP d’ajouter, après avoir consulté sa boule de cristal : « Il y a une immense majorité qui vous applaudira si vous avez le courage de mettre cela en place ».

Le droit et ses travers

La proposition appelle de nombreuses questions. Pourquoi sept heures, et non cinq, huit ou dix ? Sur quelle base de calcul ou quelles estimations Nicolas Sarkozy choisit-il le « chiffre magique » comme base de travail hebdomadaire pour ces assistés honnis ? Une référence peut-être au septième jour, celui durant lequel Dieu se reposa. Pour mieux souligner la fainéantise des titulaires du RSA.

D’autres questions sont moins anecdotiques : de quel travail parle-t-on, et au bénéfice de qui ? Imagine-t-on des entreprises privées bénéficier d’une main-d’oeuvre gratuite par la grâce du Conseil Départemental ? On peut supputer que Nicolas Sarkozy envisage un travail en faveur des collectivités, mais quels sont les besoins ?

Et doit-on en conclure que les départements pourront dorénavant, plutôt que de recruter, s’appuyer sur ce « contrat d’insertion » pour la réalisation de diverses tâches ? Selon les départements, même à sept heures par semaine, des travaux forcés pour les titulaires du RSA peuvent en effet aboutir à la constitution d’une main d’oeuvre tout à fait considérable.

Quel serait le statut juridique du travailleur RSA ? Quels seraient ses droits en terme, par exemple, d’accès à la médecine du travail ou de représentativité syndicale ? Est-il en droit de prendre des congés, ou doit-il travailler cinquante-deux semaines par an si son RSA a le malheur de se prolonger ? On en passe, et des meilleures…

Fainéants de pauvres

Nicolas Sarkozy s’est souvent vu reprocher d’être fort avec les faibles et faible avec les forts. Le grand ami du patronat français est en effet très prolixe lorsqu’il s’agit de jeter l’anathème sur les plus pauvres, forcément assistés, nécessairement profiteurs. Mais n’est-il pas paradoxal de promettre ainsi du travail d’intérêt général à des personnes qui, pour la plupart, ne demandent pas mieux que de trouver un emploi ?

Celui dont les lettres de motivation restent mortes parce qu’il n’a pas le bon âge, le bon patronyme, les bonnes qualifications ou la bonne situation familiale, se verrait donc contraint de travailler pour rien. Ou plutôt pour le droit de continuer à percevoir un RSA qui n’a jamais permis de vivre dans le luxe exubérant que certains dénoncent. Étrange manière de valoriser l’individu que de lui donner l’impression que ses compétences n’ont d’intérêt qu’exploitées gratuitement.

On se doute que Nicolas Sarkozy trouvera, d’ici 2017, d’autres manières de mieux stigmatiser les précaires, de reprocher leur maladie aux malades eux-mêmes, dans une logique de concurrence acharnée avec les extrêmes. Mais le ton est d’ores et déjà donné, et force est de constater qu’il ne présage rien de bon.