Chronique d’une tragédie

Un jour de mai 1980, une organisation communiste péruvienne, Le Sentier lumineux, brûle les registres électoraux pour lancer la révolution dans tout le pays. C’est le début d’un combat incessant entre l’armée et les révolutionnaires qui durera un peu plus de dix ans.

D’inspiration maoïste, le Sentier Lumineux, ou Partido Comunista del Peru – Sendero Luminoso (PCP-SL), défrayait la chronique. Il continue de hanter tout un pays dont les victimes demandent justice et les familles tentent en vain de connaître le sort de leurs proches.


Deux versions différentes

L’histoire n’est pas la même pour tous. C’est ce qui montre qu’elle est loin d’en finir avec les vrais criminels. Ne serait-ce que le début de cette20160115 SL 2 violence sanglante qui a touché le Pérou, deux versions divergent. Pour les officiels, cette guerre a commencé un 17 mai 1980. Alors que pour la mémoire populaire, c’est au cours de deux jours de manifestations (21 et 22 juin 1969 en région d’Ayacucho) « en faveur de la gratuité de l’enseignement », pendant lesquels l’armée a massacré des dizaines d’étudiants, enfants, hommes, femmes et vieillards. De là, sous l’influence de Abimael Guzmán, surnommé Presidente Gonzalo, est né le Sentier lumineux. Des militants sont armés et entraînés dans de « petites actions de guérilla et de sabotage » pour se procurer des moyens.

Pour répliquer à ces atrocités, un état d’urgence est décrété. La région d’Ayacucho est militarisée. L’armée intervient en toute impunité, s’accordant tout excès, en commettant de nombreuses violations de droits de l’Homme. Des atrocités dont étaient victimes de simples civils. Considérés comme des « collabos » par les sédentaires (partisans de Gonzalo), et de terroristes par les militaires, ces villageois ont vécu dans une terreur constante, craignant des exécutions sommaires.

Entre BD et documentaire

Pendant que la justice et les politiques n’arrivent pas à reconstituer la vérité sur cette décennie sanglante, Luis Rosell, Alfredo Villar et Jesús Cossío synthétisent avec brio ces boucheries commises par les sédentaires et les militaires. Un bilan lourd, très lourd : quatre mille fosses communes clandestines, 70 000 morts, des centaines de personnes disparues, torturées, exécutées sommairement, des communautés entières exterminées. Dans un noir-et-blanc, teinté de rouge-sang, insistant sur une violence inouïe,  le trio met en premier plan les horreurs d’exécution qu’ont subi les paysans, premières victimes. Avec des précisions quasi parfaites : dates, noms, visages. Ce roman graphique parle au nom des ces milliers de familles qui sont à la recherche de la vérité, surtout à la recherche des leurs.

Un récit très vif, qui nous fait vivre une partie sombre de l’histoire du Pérou, sans rien oublier.

 

20160115 SL COUVLe Sentier lumineuxChroniques des violences politiques au Pérou 1980-1990
Luis Rossell, Alfredo Villar et Jesús Cossío
Éditions L’Agrume
216 pages / 22 €