Différer n’est pas jouer

Saisi sur le versement de l’allocation-chômage, le Conseil d’État a donné raison à la CGT et aux collectifs de chômeurs lundi 05 octobre en jugeant illégal le mode de calcul du différé d’indemnisation de l’Unédic. Retour sur la question.

Le chômage de masse auquel est confrontée la France met en danger de mort le régime de l’assurance-chômage (recul du nombre des contributeurs, hausse de celui des bénéficiaires). Pour l’éviter, le patronat et les syndicats CFDT, CFTC et FO aboutissent, en mars 2014, à un accord qui prévoit diverses mesures visant à juguler la dette de l’Unédic ; l’une d’elles diffère dans certains cas le versement des indemnités.

Lorsqu’un chômeur touche plus que ce qui est prévu par la loi (indemnités prud’homales, prime de fin de CDD, etc.) à la fin de son contrat, le versement de son allocation-chômage est différé d’un nombre de jours établi par le calcul suivant : montant des indemnités supra-légales/90. Un ex-employé recevant par exemple 16200 € de plus que ce que la loi lui accorde devra donc attendre (16200/90) 180 jours, soit six mois, avant que l’Unédic ne lui envoie ses premières indemnités.
Le Conseil d’État ne remet pas en cause ce principe, mis en place pour lutter contre certains abus et pour aider à redresser les comptes de l’assurance-chômage, mais observe qu’il a des effets pervers pour certains profils de travailleurs, comme les licenciés sans cause réelle et sérieuse. La loi ne prévoyant pas de réparation minimale aux prud’hommes pour eux quand ils ont moins de deux ans d’ancienneté ou qu’ils ont travaillé dans une entreprise de moins de onze salariés, la totalité des dommages et intérêts qu’ils touchent est prise en compte dans le calcul du nombre de jours qu’ils doivent attendre avant de recevoir leur allocation-chômage.

Le Conseil d’État conclut donc que tel qu’il a été établi, le différé d’indemnisation porte atteinte aux droits de certains travailleurs et relève de l’illégalité. Afin de ne pas plonger dans le chaos l’assurance-chômage, le Conseil d’État reporte l’application de sa décision au 1er mars 2016, à charge pour les partenaires sociaux de réviser leur copie d’ici là.
Pour la CGT, qui n’avait pas signé le compromis conclu l’année dernière et a soutenu sa contestation devant le Conseil d’État, cette décision « confirme le besoin d’une autre négociation sur l’assurance-chômage » – avis que ne partagent pas les syndicats signataires qui soulignent que « les correctifs à apporter sont mineurs ». Réponse d’ici cinq mois.