Idée de sortie : une expo de chapeaux

A visiter au Musée dauphinois : l’exposition  Voyage dans ma tête.
Un choix de 165 chapeaux de tous les pays : « Explosion de couleurs et de formes étranges, l’installation est un remarquable résumé de la diversité culturelle à l’échelle de la planète ».

Jusqu’au 2 juillet 2012, tous les jours (sauf le mardi), entrée gratuite.
Plus d’infos : Exposition Voyage dans ma tête

En apéritif, un texte sur les chapkas, écrit au sortir d’un hiver rigoureux et paru en quatrième de couverture du numéro 122 du Bon Plan : « Chakpi chakpo ».

 

Chakpi chakpo

Depuis quelques hivers, un chapeau connaît une faveur grandissante en France. Peu de personnes l’avaient adopté jusqu’ici. Accessoire de mode porté pendant les défilés par les mannequins dès 2007, il est très vite descendu des podiums. Chapeau populaire à partir de 2010, il a été pendant cet hiver rigoureux la coiffe la plus répandue dans les rues de Grenoble. Jamais la chapka n’a été aussi souvent coiffée. Quelques rappeurs célèbres ont certainement contribué à sa cote en la troquant contre leurs casquettes plus habituelles. Il reste que la vogue de ce chapeau est caractéristique de transformations en cours.

Le chapeau à oreilles (selon la traduction littérale de son nom en russe : oushanka) est un couvre-chef traditionnel en Russie et dans les contrées aux hivers rigoureux comme le Canada. Il fait partie de l’uniforme des policiers et des militaires dans ces pays. Les personnalités le portent aussi. Qui n’a pas en tête l’image de hauts responsables russes la tête couverte de ce casque de poil (comme disent les Québécois), le plus souvent oreilles non protégées du grand froid ?
En Russie, il serait en effet considéré comme peu viril de le porter avec les pans rabattus. Les personnes qui mettent désormais en France une chapka ne se posent pas la question du caractère sexuel de ce chapeau ; elles n’ont pas davantage conscience de mettre une coiffe qui a été dans la Russie soviétique le quasi-chapeau officiel. Appropriée par la mode de la rue, la chapka a perdu toute sa charge symbolique de chapeau du pouvoir. Elle est devenue un accessoire populaire de mode qui n’en est pas moins associé à un changement net dans les pratiques de coiffe.

Les générations nées dans les années 1960 et 1970 trouvent souvent ridicule de porter une chapka ou tout autre chapeau. A la pointe dans la libération des cheveux, elles ont longtemps rejeté tous les couvre-chefs qui avaient été petit à petit abandonnés à partir des années 1950, par les hommes, puis par les femmes ; même la casquette pour se protéger du soleil l’été. Les générations nées à partir des années 1980 accordent une attention bien différente à leurs cheveux et ont repris l’habitude de mettre des coiffes. Le soin qu’elles prennent de leur chevelure est nouveau et n’est pas sans lien avec le succès de la chapka et la manière de la porter.
Ce chapeau forme une toque volumineuse quand ses pans sont relevés au-dessus des oreilles et de la nuque, mais en France il est le plus souvent laissé avec les bords pendant et flottant, encadrant le visage. Porté ainsi pans rabattus et volants, il ressemble désormais plus souvent à une perruque qu’au chapeau officiel de la Russie. La mode de la chapka est aussi en cela symptomatique : s’il a pour fonction de tenir bien chaud, ce chapeau est aussi une chevelure de rechange, choisi avec autant de soin et de conformisme que les adolescentes lissent actuellement leurs longs cheveux.

Anne Veitl (mars 2012, Grenoble)

 

En illustration : poupées russes coiffées de chapkas, réalisées par l’infographiste Céline Couvert.

 

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