Le mal-logement dans tous ses états

La Fondation Abbé Pierre et l’Observatoire de l’hébergement et du logement de Un Toit Pour Tous ont présenté publiquement mi-mars leurs rapports annuels sur l’état du mal-logement en France et en Isère. La situation est accablante. La Fondation Abbé Pierre tire une fois de plus le signal d’alarme en rappelant qu’au cours des dix dernières années, « le mal-logement, loin de régresser, s’est développé et profondément enraciné ». La situation en Isère n’échappe pas à ce constat.

Le mal-logement s’intensifie et s’étend en Isère
Selon Yolande Encinas, responsable de l’Observatoire, l’évolution du mal-logement se caractérise par un double phénomène  : un approfondissement des difficultés des ménages les plus précaires auquel s’ajoute l’élargissement du périmètre du mal-logement aux salariés modestes et aux catégories intermédiaires.

De l’impossibilité d’accéder à un logement…
Le mal-logement recouvre des réalités diverses dont la plus aigüe reste l’absence de domicile personnel. Elle concerne les personnes sans-abri recensées par « le 115 »  qui a enregistré en 2010 12 600 demandes pour un hébergement d’urgence, soit une hausse de 34,5% en un an.
S’ajoutent les 26 500 personnes (2,6% des ménages isérois) contraintes de loger chez des proches, faute d’attribution de logement dans le parc social.
3 512 ménages ont eu recours au DALO (Droit au Logement Opposable) durant les 4 années d’existence de la commission, dont 843 en 2011 (pour info, l’Isère comptabilisait 491 003 ménages en 2008 selon les statistiques de l’INSEE).
Si l’offre en logements sociaux a augmenté (+ 7,5 %), il manque encore 4  600 logements sociaux au titre de la loi SRU (construction de 20 % au moins de logements sociaux dans les agglomérations de plus de 50  000  habitants, Grenoble a atteint ce quota en 2011). L’offre reste très insuffisante au regard de l’ampleur de la demande : aux ménages ne disposant que de prestations sociales se sont en effet ajoutés les travailleurs pauvres, que l’emploi ne protège plus des difficultés à se loger. Ainsi, dans le département, 26 000 demandes de logement social sont encore en attente, dont la moitié environ pour l’agglomération.

… à la difficulté de s’y maintenir
Cette situation oblige bon nombre de ménages modestes à se rabattre sur le parc locatif privé malgré le niveau élevé des loyers (11,9  €/m² en moyenne à Grenoble en 2011). Ainsi, 30% des bénéficiaires des minima sociaux sont logés dans le parc privé, dans des conditions matérielles difficiles (logement dégradé, surpeuplement, absence de commodités, chauffage…) ou au prix d’efforts financiers importants.
Par ailleurs, les dépenses de logement ne concernent pas uniquement le loyer, il faut y ajouter les charges, les dépenses d’eau et d’énergie ainsi que les impôts locaux. Ces dépenses, en constante augmentation, grèvent d’autant plus le budget des ménages qu’elles ne sont pas prises en compte dans le calcul et la revalorisation des aides individuelles au logement.
Le rapport insiste sur l’extrême fragilité des ménages face au logement et au sentiment d’insécurité qu’il génère. Les plus précaires risquent l’expulsion pour impayés de loyer, beaucoup sont contraints de rogner sur les dépenses courantes (alimentation, santé, chauffage…) pour s’en sortir. Ce sentiment d’inquiétude gagne les classes moyennes, confrontées elles aussi aux difficultés liées à une crise du logement qui se pérennise.

La question du logement, un réel problème de société
Devant l’urgence de la situation, la Fondation Abbé-Pierre a interpelé les candidats à l’élection présidentielle pour qu’ils s’engagent à ce que le logement soit une «priorité nationale » comme il l’est pour la majorité des français. Elle insiste sur la nécessité de « lui redonner un rôle d’ancrage social et de protection » au même titre que l’emploi. On ne peut que souhaiter que le thème du logement s’invite enfin dans la campagne.

 

Sources :

Observatoire de l’hébergement et du logement, Rapport mal-logement 2012 en Isère

Fondation Abbé Pierre, Rapport mal-logement 2012 en France