Le RSA, balle de ping-pong

Le RSA joue un rôle essentiel dans le budget de nombre de foyers français. Mais le coût de cette prestation sociale pèse de plus en plus lourd dans un autre budget, celui des départements.

Expérimenté en 2007 dans certains départements puis généralisé en 2009 à toute la France, le RSA a tout de suite bénéficié à un grand nombre de personnes – les anciens allocataires du RMI et de l’API mais aussi les bénéficiaires des allocations logement et les travailleurs les plus pauvres – et a donc immédiatement occasionné un important coût, supporté par les départements. Aujourd’hui, cette charge est devenue pour certains insoutenable.

Un scénario connu

L’équation est malheureusement de plus en plus fréquente en ces temps de crise.
D’un côté, une allocation à laquelle a droit une part croissante de la population : 2 053 000 personnes en 2009 qui sont devenus 2 661 800 cinq ans plus tard, en 2014. Et ce, malgré un nombre important de cas de non-recours.
De l’autre, des problèmes de financement. La loi qui a institué le RSA stipule que l’État doit compenser auprès des départements les dépenses pour verser cette allocation mais cette compensation n’en couvre aujourd’hui plus que les deux tiers ; le reste est à la charge des départements.
Ces derniers se retrouvent donc à devoir trouver plus d’argent (suite au désengagement de l’État) pour en dépenser plus (puisqu’il y a davantage d’allocataires)… une situation intenable qui menace d’impasse budgétaire certains départements parmi les plus fragiles financièrement.

Collectivités vs gouvernement

La charge a été menée début octobre par Jean-René Lecerf, président du Conseil départemental du Nord (337 732 allocataires du RSA fin 2014, soit 13% de la population du département). Il a réclamé une renationalisation, totale ou partielle, du RSA : le versement de l’allocation reviendrait alors directement à l’État. Le premier ministre a aussitôt exclu une renationalisation complète et préféré parler de « mesures d’urgence ».
L’ADF (Assemblée des Départements de France) a saisi la balle au bond pour présenter une requête plus mesurée : une enveloppe de 700 millions d’euros, qui couvrirait la hausse entre 2014 et 2015 de la part supportée par les seuls départements (le « reste à charge » qui n’est pas compensé par l’État).

Si aucune solution de financement n’était trouvée d’ici au 30 mars, date à laquelle doivent avoir été votés les budgets 2016 des départements, ces derniers ont menacé de ni plus ni moins ne pas inscrire le RSA parmi leurs dépenses pour l’année à venir. Le bluff est pour le moins transparent – l’État ne prendra jamais le risque politique de priver de leur source de revenus plus de deux millions et demi de Français et cherchera forcément une solution d’apaisement, ce que les conseils départementaux savent très bien : leur spectaculaire menace ne sera donc jamais mise à exécution – mais témoigne du désespoir budgétaire auxquels sont poussés de plus en plus d’organismes victimes du désengagement de l’État…