Pour une assistance pudique !

Comment lutter contre la pauvreté ? Les systèmes d’assistance sont-ils efficaces ? Les Français voient-ils d’un bon oeil l’assistance aux plus pauvres en période de crise ? Voici différentes questions auxquelles le rapport de l’Observatoire National de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes) tente de répondre.

La majorité des Français est favorable aux aides sociales

En 2010, 3,6 millions de personnes ont bénéficié d’au moins un des seize minima sociaux existant en France. C’est une dépense de 20 milliards d’euros pour l’Etat mais cela ne représente que 1% du PIB. En période de crise économique et de coupes budgétaires, les critiques sur « l’assistanat » se font virulentes et certains accusent les bénéficiaires de profiter de ces aides pour ne rien faire. Cette image de « profiteur » est largement véhiculée par les médias et par certains politiciens mais lorsqu’on interroge les Français, la générosité envers les plus démunis ne diminue pas. 64% des personnes interrogées par l’Onpes affirment que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour les pauvres et 54% pensent que le Rsa est « un coup de pouce pour s’en sortir ». Seuls 4% de la population pensent que les pouvoirs publics en font trop. La perception générale de l’assistance n’est pas si mauvaise qu’on peut le croire.

Les personnes en situation de pauvreté vivent plutôt mal l’assistance institutionnelle

Le non-recours est très élevé : 36% pour le Rsa socle et 68% pour le Rsa activité. Le système d’aide est souvent perçu comme trop complexe, c’est un « parcours du combattant ». Les bénéficiaires de minima sociaux parlent aussi du côté intrusif des institutions, du manque de place pour les initiatives personnelles et du devoir de s’autojustifier en permanence à cause de l’approche  suspicieuse de la société en général : on remet constamment en cause leur bonne volonté de s’en sortir. Beaucoup ressentent l’assistance comme inefficace ou humiliante.
Par ailleurs, l’idée « d’assisté » est fausse car deux tiers des personnes pauvres ont un emploi ou en cherchent un. Les bénéficiares de minima sociaux ne s’installent pas dans les dispositifs d’aide. Leur situation change beaucoup au cours d’une même année : un tiers de la population au Rsa socle se renouvelle tous les ans.

Une proposition : promouvoir le droit automatique

Selon l’étude de l’Onpes, la France compte parmi les pays les plus solidaires d’Europe envers les personnes en situation de fragilité. Historiquement, la politique d’assistance a pour objectif de compenser les inégalités qui ne sont pas dûes à des responsabilités individuelles. Cependant, depuis la crise des années 1970, cette politique s’est durcie avec des devoirs de plus en plus nombreux pour obtenir des aides et de plus en plus de contreparties exigées lors de l’ouverture de droits. Une approche libérale s’est développée avec en parallèle une vision stigmatisante qui insiste sur les responsabilités individuelles. Et cela entraîne de fait la dégradation du lien social.
Pour pallier à cette évolution néfaste de l’assistance, l’Onpes propose d’instaurer le droit automatique. Par exemple, lorsque l’on perd son emploi, une aide financière compensant le manque à gagner doit être systématiquement versée sans avoir à justifier de sa nécessité. Une telle mesure permettrait d’éviter les lourdeurs administratives, les justifications incessantes et la stigmatisation des populations pauvres.

Le rapport de l’Onpes a été remis le 16 mai dernier à la Ministre chargée de la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti. Nous verrons par la suite quelles seront les mesures envisagées. L’assistanat doit sortir du vocabulaire courant et l’assistance doit retrouver son sens collectif, comme l’explique l’Onpes : « Aider les personnes en détresse, c’est restaurer la cohésion sociale et instaurer une relation mutuelle entre les membres de la société, une sorte de devoir institutionnalisé qui crée du lien social. Lorsque ce devoir s’affaiblit, c’est la société tout entière qui s’affaiblit. »

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