Vivre à la rue : on en « crève » !

Les décès de Fatima 48 ans à Grenoble en décembre dernier puis celui d’Alexandre à Saint Martin-le-Vinoux en janvier et récemment celui de Anthony F., dit Toni Tonight 35 ans montrent une nouvelle fois la faible espérance de vie de la population des sans-domicile fixe.

La surmortalité à la rue

Alors que l’espérance moyenne de vie en Isère est légèrement supérieure à la moyenne nationale (80 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes) la moyenne d’âge moyen des décès constatés pour cette population en grande précarité est de plus de 30 ans inférieure soit 49 ans moyenne.
D’ailleurs, plusieurs études américaines et canadiennes rapportent un taux de mortalité de 3 à 13 fois supérieur à celui de la population en général. 

En France, l’INSEE livre peu de statistiques car il s’agit d’une population mouvante, hétérogène. Néanmoins, malgré le manque de données officielles fiables le nombre exact de personnes « en situation de rue », « hébergée » ou « probablement sans domicile » constitue un phénomène de société qui prend de plus en plus d’ampleur. La mort survient non seulement plus tôt mais elle est aussi plus violente.

Aussi, afin de pallier ce manque de visibilité, les collectifs des Morts de la rue de France entière tentent de comptabiliser chaque décès. Ainsi lorsque les chiffres officiels recensent 498 décès en 2014, les données du rapport « dénombrer et décrire » du collectif Les Morts de la Rue avancent une estimation plus probable de 2 908 et concernerait plutôt des hommes ayant vécu en moyenne 10 ans à la rue.

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Morts de rue en colère

En Isère, plus de 2 000 personnes dorment dans la rue alors que 300 places en hébergement d’urgence sont disponibles. De plus, alors que cette population regroupait en majorité des hommes célibataires, de plus en plus de familles avec des enfants en bas âge et de jeunes de moins de 16 ans sont recensés par les associations d’accueil de jour de l’agglomération.

Or, leurs conditions de vie difficiles dans les squats insalubres ou dans les bidonvilles ne permettent ni la satisfaction des besoins élémentaires (eau, chauffage) ni le suivi médical nécessaire. La scolarisation s’organise parfois, mais souvent à grand-peine. De plus, pour ceux en âge de travailler, l’insécurité permanente, le manque d’hygiène, la difficulté de donner une image présentable rendent l’insertion professionnelle compliquée.

Plusieurs associations grenobloises s’insurgent devant la hausse du non-recours, l’effondrement des perspectives d’avenir de ces populations dont l’issue fatale est déjà programmée. Sentinelles contre la dépersonnalisation et l’oubli, l’ensemble des Collectifs Morts de la rue auraient déjà enregistré 58 décès depuis le début de l’année.

Lors de sa réunion mensuelle de janvier dernier, le collectif grenoblois a confirmé, avec tristesse et colère, le décès d’Alexandre R., 40 ans dans l’incendie de sa cabane ce qui a fait dire à l’un des bénévole ulcéré « il vivait dans des conditions indignes et, pour lutter contre le froid, il s’est fait cramer ». Parmi les actions envisagées, l’envoi d’un courrier à l’attention des élus de la région, du Conseil Départemental, de la Métro et des communes de l’agglomération a été décidé à l’unanimité.
Le contenu défini en séance vise à alerter les pouvoirs publics sur l’urgence d’une politique sociale et solidaire. En effet, toutes les vies ne se valent-elles pas ? Comment accepter qu’ en 2016 la rue soit un refuge acceptable pour qui que ce soit ?

 

 

Pour plus d’infos : 

Collectif Mort de rue de Grenoble