La misère qui dérange

L’Odenore a organisé une rencontre, jeudi 21 janvier, sur le thème de l’accès à leurs droits pour les habitants des bidonvilles : ceux qui n’ont rien peuvent-ils au moins espérer la fraternité républicaine ?

Ce jeudi de l’Odenore vit présenter une étude de l’association Trajectoire. Menée de mars à juillet 2015, elle portait sur une cinquantaine de ménages originaires d’Europe de l’Est ayant réussi à sortir des bidonvilles depuis au moins six mois. Il s’agissait de retracer leur parcours, du pays d’origine jusqu’à stabilisation de leur situation.
Le résultat tient moins de la photo représentative de la population des bidonvilles que d’un premier regard, propre à fournir des pistes de réflexion sur le problème.

De multiples parcours mais un même constat

La « période grise », comme les auteurs ont nommé le séjour (en moyenne six ans pour les ménages contactés) en bidonville, est sans surprise marquée par un non-recours massif aux droits.

Les dispositifs d’aide jouent pourtant un rôle essentiel dans la totalité des parcours : en effet, il ne s’agit pas seulement de réussir à sortir du bidonville mais aussi d’arriver à intégrer la société française. La réalité bat en brèche les fantasmes dignes du « rêve américain » où les gens qui le méritent réussiraient par leurs seuls efforts : ceux qui sont parvenus à stabiliser leur situation l’ont fait grâce à l’aide d’accompagnateurs, de dispositifs d’assistance de droit commun ou dédiés, d’une communauté soudée…

La visibilité comme élément déclencheur

Mais cette solidarité ne devient souvent décisive que face à une situation d’urgence (nouvel enfant, condamnation pénale, maladie grave, etc.). Il a généralement fallu un « déclic » pour que les ménages qui témoignent se voient accorder l’aide qui allait leur permettre de s’arracher à la misère.

Pour Louis Bourgeois, l’un des auteurs de l’étude, c’est comme si le vrai problème posé par la grande pauvreté était sa visibilité : les pouvoirs publics vont volontiers raser un bidonville mais bien moins se préoccuper du devenir de ses habitants ; les aides ordinaires vont leur permettre de survivre… mais il faudra des circonstances exceptionnelles pour qu’ils reçoivent le soutien nécessaire afin de retrouver une vie décente.

« La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. », a dit Michel Rocard. Mais elle pourrait au moins la regarder en face…

L’enregistrement de la séance peut être écouté ici.