Moment politique incontournable des fêtes de fin d’année, l’expression des voeux du Président à la nation est un cérémonial-clé de l’histoire de la cinquième République. Entre envolées mystiques et ridicule de la situation, retour sur cinquante ans de discours.
C’est le 31 décembre 1959 qu’a lieu la première retransmission de ces voeux présidentiels. Depuis le palais de l’Élysée, le général De Gaulle s’adresse directement à la nation pour lui souhaiter une bonne année. Depuis, dans la droite lignée de la présidentialisation du régime, cette tradition est devenue souvent l’occasion pour le plus grand représentant du pays de dresser un bilan de son action ou d’annoncer les réformes à venir.
Prenant la forme d’un discours de politique générale, ces voeux se veulent bien évidemment consensuels mais un retour a posteriori sur certains d’entre eux peut parfois prêter à sourire. C’est notamment le cas en 1967, quand De Gaulle affirme que «grâce aux institutions, on ne voit pas comment on pourrait être paralysé par des crises» pour l’année qui vient… Chaque président a essayé par la suite avec plus ou moins de bonheur d’imposer un nouveau style à cette tradition. Dans cet exercice, Valery Giscard d’Estaing s’est particulièrement illustré par une série d’initiatives les plus ridicules les unes que les autres. Dès ses premiers voeux en 1974, il crée une ambiance qui se veut chaleureuse en se mettant au coin du feu. Un esprit estampillé charentaise qui se veut rassurant mais qui ne l’empêche pas de conclure par un «Salut à toi 1975» que les Béruriers Noirs n’auraient pas renié. Mais VGE ne s’arrête pas là. L’année suivante, c’est en compagnie de son épouse Anne-Aymone qu’il présente ses voeux, mais force est de reconnaître que la première dame ne se montre guère à l’aise au cours de cette intervention. La proximité de la cheminée et la chaleur qu’elle dégage lui feront même dire un «on cuit» de toute beauté. Mais la palme de la meilleure performance revient sans aucun doute à François Mitterrand. Son fameux «Je crois aux forces de l’esprit, et je ne vous quitterai pas» prononcé en 1995 est resté dans toutes les mémoires. Cette envolée empreinte d’un mysticisme évident ne pouvait être que le fait d’un tel président. On reste tout de même stupéfait par ce haut degré de spiritualité atteint dans une démocratie contemporaine, républicaine et laïque. Difficile donc pour ses successeurs de faire mieux en terme d’éclat. Les voeux de Jacques Chirac resteront communs et anecdotiques, tout comme ceux de Nicolas Sarkozy. Néanmoins, l’allocution que prononcera l’actuel hôte de l’Élysée en cette fin d’année aura une consonance particulière : ce seront ses derniers voeux avant l’élection présidentielle de 2012. Autant dire qu’ils auront une saveur particulière et qu’ils ressembleront à coup sûr à un discours de campagne. Et certains souhaiteraient que ces voeux soient effectivement les derniers.