Bernard Ciancia, Coeurs d’ouvriers

Pertinent et inattendu écho photographique à l’actualité ! En cette période de crise où la désindustrialisation s’accélère et où la classe ouvrière fait partie des sacrifiés au nom de la mondialisation, le photographe Bernard Ciancia nous propose une galerie de portraits de ces travailleurs de l’ombre au Musée dauphinois. Un regard rempli d’empathie et de respect, mais qui ne cède ni au misérabilisme, ni au sensationnalisme. Une vision chargée d’humanité qui prône la dignité d’une certaine condition humaine.

 

Aperçus de la dignité

Parler de ses images avec Bernard Ciancia, c’est parler de valeurs auxquelles il est très attaché. Valeurs morales, humaines, philosophiques mais aussi esthétiques construites sur une admiration pour les grands photographes reporters, tels que W. Eugene Smith, Don Mc Cullin, Henri Cartier-Bresson ou Richard Avedon, où l’humain n’est pas une matière, un prétexte mais un terrain de réflexion, de narration et d’exploration. Ses images montrent, racontent et donnent à penser. Par leurs dimensions et l’originalité du support (magnifiques tirages sur aluminium réalisés par Visio Technic-France), elles affichent, plus qu’elles ne montrent, du vrai, une réalité que certains s’emploient à nous dissimuler derrière des chiffres et des statistiques. Le photographe ne nous propose pas une énième exposition polie, policée, politiquement correct, mais signe un vrai manifeste dont la force et la portée tiennent essentiellement à un regard bienveillant.

Frères humainsBernard Ciancia

L’intérêt ce ces images tient également à la volonté de rendre les gens beaux. Bien qu’il ne s’agisse pas de photos posées mais de véritables instantanés, le photographe n’a pas piégé ses modèles : il n’a pas réduit un effort à une grimace ou une posture désobligeante, mais il a su magnifier un regard, le rendre captivant au spectateur qui, étonné, trouvera là l’accès pour voyager dans la photo. Le visiteur sera touché par cet éventail de personnalités, toutes différentes, toutes distinctes qui semblent raconter chacune leur histoire Et de cette juxtaposition de vécus naît un état des lieux : celui d’une classe sociale oubliée dans le meilleur des cas mais le plus souvent niée ou méprisée. Dans le cloître de l’ancien couvent, où ces photographies sont intelligemment installées, quasiment suspendues dans le vide, le silence lié à la nature du lieu originellement consacré à la prière et au recueillement est soudainement habité par la contemplation d’un peuple de l’industrie dévoilé et sacralisé.

Le talent de Bernard Ciancia est de savoir rendre dignes d’obscurs travailleurs, en restituant leur regard, leur décor, sans effet appuyé. Il nous donne à penser et à nous interroger sur ces forçats du labeur et sur leur avenir. Un hommage à un monde fragilisé dont le photographe se fait l’indispensable gardien de la mémoire.

 

Coeurs d’ouvriers de Bernard Ciancia
Musée dauphinois
jusqu’au 17 septembre 2012