Seniors Academy

On l’attendait impatiemment, ce deuxième tome …. On s’y préparait, se demandant s’il serait à la hauteur du premier volume. 

On ouvrait fébrilement ce deuxième chapitre intitulé « Bonny and Pierrot » et une première lecture nous livrait un verdict sans appel : Les Vieux Fourneaux est vraiment la série BD de l’année. Quel plaisir de retrouver ces Mimile, Antoine et Pierrot, vieillards indignes pas plus papys gâteaux que papys gâteux. ! Cette fois-ci, le récit tourne essentiellement autour de Pierrot anar tendance « ni vieux, ni maître », dont les idéaux révolutionnaires ont brillamment résisté au temps qui passe et aux habituelles concessions qui accompagnent cette marche en avant. Pas question de résignation, d’amertume ou de compromis pour ces anciens qui croquent la vie à pleines dents et ne se privent pas de revendiquer haut et fort leurs idées, se moquant de l’attitude condescendante que le jeunisme dominant leur adresse au quotidien.

20141031 vieuxfournaux02Vieillards indignes

Car Pierrot n’est pas n’importe qui : il est membre de l’Archipel Autonome des Anarchistes, collectif groupusculaire à la moyenne d’âge d’environ soixante-quinze ans, dont les objectifs insurrectionnels oscillent entre contraindre un bar branché à redevenir un bistrot de quartier avec playlist dominée par Berthe Silva et Fréhel (pour les plus jeunes, c’est un peu comme Zaz, mais avec plus d’accordéon) et saborder une réunion publique de Jean-François Copé.. Une lutte contre le progrès décérébré, le politiquement correct et … l’insupportable variétés de noms donnés au pain en boulangerie, au point que « baguette » ne désigne plus rien. Nous voilà donc dans le domaine de la farce, de l’esprit potache, qui volontairement ne fait pas toujours dans la finesse. Les personnages sont tous aux caractères bien trempés, le récit ne cède pas à la facilité et nous livre quelques rebondissements inattendus, servis par un dessin et une mise en page toniques.

Drôle ? Pas seulement…

On pourrait dans une premier temps trouver des points communs avec le cinéma d’Audiard : de bons mots, un esprit anar, des situations presque surréalistes… Pourtant Les Vieux Fourneaux est plus qu’un simple brûlot anarchiste. Il y a également des airs de comédie italienne en abordant une certaine dimension tragique. Il est question également de regrets, de remords, d’histoire d’amour avortée et le temps qui passe n’est jamais parvenu à effacer tout cela. Étonnamment ces moments d’émotion apparaissent dans des cases muettes, où le dessin s’adresse directement à notre sensibilité

Wilfrid Lupano et Paul Cauuet ont donc réussi leur pari : celui de nous identifier à des héros âgés, avec un fond d’humanité qui nous les rend si proches. Ils nous proposent un récit attrayant et surprenant, maîtrisant un art du récit qui nous conduit au-delà de nos attentes. Nous nous attendions à rire : nous avons eu cela. Et de l’émotion en supplément.

 

20141031 vieuxfourneaux01Les Vieux Fourneaux
T. 2 Bonny and Pierrot
Scénario : Wilfid Lupano, Dessin Paul Cauuet
Éditions Dargaud
12 €